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Le passage des Hindous dans le département

de l’Indre (fin août 1944)
Présentation et notes
Jean-Louis Laubry

INTRODUCTION
1. DOCUMENT I : La retraite des Allemands dans l'arrondissement du Blanc
2. DOCUMENT II : Le récit de l'incendie de Sainte-Gemme par un habitant du village
3. DOCUMENT III : Les protestations du maire du Poinçonnet
4. DOCUMENT IV : Un groupe de gendarmes face aux Hindous à Ardentes
5. DOCUMENT V : L'odyssée d'un gendarme otage d'Ardentes à Arçay
6.
DOCUMENT VI : Le bilan du passage de la colonne allemande à Ambrault
7.
DOCUMENT VII : Documents communiqués par M. Roger Picard, correspondant de l'I.H.T.P. dans le département de la Vienne, concernant le passage des « Hindous » dans l'Indre


INTRODUCTION
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Jusqu'au début du mois d'août, la Wehrmacht était parvenue à contenir les troupes alliées en Normandie. Désormais, les divisions nazies doivent reculer alors que les groupes de résistance contrôlent de nombreuses zones rurales à travers le pays. Le 15 août, le débarquement en Provence met à l'ordre du jour la question de l'évacuation de la France par les unités allemandes. Dès le lendemain, Hitler donne l'ordre aux troupes cantonnées dans le sud-ouest de la France de commencer leur retraite vers Dijon. Rassemblées en trois colonnes successives (la dernière étant celle du général Elster), ces unités remontent sur le Poitou et traversent le Berry pour rejoindre Dijon, Belfort et l'Allemagne. Commandé par le général Taglishbeck, le groupe central comprend environ 30 000 hommes parmi lesquels une légion indienne. Dans la plupart des localités qui reçoivent leur visite, les légionnaires « hindous » sèment la terreur et traumatisent les populations civiles. Leur présence dans l'armée allemande nécessite quelques éclaircissements (1).

Les Britanniques avaient formé une armée indienne forte de 2,5 millions de volontaires mercenaires. En 1941 et 1942, environ 17 000 furent capturés en Libye et en Égypte par l'Afrika Korps de Rommel. À la même période, un leader indépendantiste indien, Subhas Chandra Bose (appelé aussi Netaji), se réfugie en Allemagne et crée à Berlin un centre de l'Inde Libre (« Free India Center »). Avec le soutien des Nazis et fort de son charisme personnel, il visite des camps de prisonniers de l'Axe et recrute des volontaires parmi les ressortissants indiens. Bose rêvait de constituer une armée indienne qui combattrait à la pointe de l'armée allemande à travers l'Afghanistan jusqu'à l'Inde. Il éprouva cependant beaucoup de difficultés pour réunir 3 500 hommes parmi lesquels très peu d'officiers et de sous-officiers.

Entraînée en Allemagne à partir de septembre 1942, la légion indienne était commandée par un un lieutenant-colonel allemand alcoolique peu porté sur la discipline. L'encadrement était assuré par des officiers allemands qui donnaient leurs ordres en anglais. Certains légionnaires étaient hindous, d'autres sikhs ou musulmans et Bose tenta d'abolir la division des religions et des castes que respectait l'armée indienne britannique. Ainsi, des coutumes traditionnelles et des observances religieuses furent abandonnées. Coiffés de turbans de couleurs variées, les légionnaires avaient revêtu des uniformes de l'Afrika Korps et leurs épaules étaient couvertes par l'emblème voyant du tigre bondissant avec les mots « Indiens libres ». L'étendard de la légion représentait justement des tigres bondissants.

Après trois mois passés aux Pays-Bas et en Belgique, les « Tigres Bondissants » furent postés en août 1943 à la garde du Mur de l'Atlantique dans l'estuaire de la Gironde. Au début, les trois bataillons étaient espacés de la Pointe de Grave au bassin d'Arcachon puis ils furent concentrés aux environs de Lacanau. Le manque de discipline était patent et les relations entre les Allemands et les Indiens devenaient de plus en plus mauvaises. Plusieurs mutineries éclatèrent, les hommes se plaignant de leurs conditions de vie et affirmant qu'ils s'étaient engagés pour combattre en Afghanistan et en Inde. Durant leur séjour, les légionnaires s'adonnèrent à l'alcool et fréquentèrent les maisons de tolérance. Certains se suicidèrent, d'autres choisirent la désertion.

Intégrés dans le groupement central Taglishbeck lors de la retraite allemande, les exactions de la légion indienne commencèrent lors de leur passage en Charente et elles se multiplièrent par la suite. Les légionnaires réquisitionnaient de la nourriture et des moyens de transport (jusqu'à des landaus qu'ils attachaient derrière des bicyclettes), mais ils tombaient dans les embuscades des maquisards et se vengeaient, pillant et brûlant des maisons, violant des femmes et exécutant des personnes suspectées d'appartenir à la résistance. La plupart des compagnies indiennes avaient été placées dans les détachements précurseurs de la colonne. Formés surtout de troupes à pied ou à vélo, ces groupes d'avant-garde possédaient en outre quelques véhicules légers et des canons de petit calibre. Ils étaient chargés d'ouvrir le chemin et d'éliminer les obstacles, autrement dit de « nettoyer » les routes et les agglomérations situées sur les itinéraires.

Venant de Poitiers, c'est le 29 août au matin que les « Tigres bondissants » pénètrent dans l'Indre. Leur itinéraire est malheureusement aisé à suivre en raison des actes criminels qui ponctuent leur avance. Dans la journée, ils gagnent Martizay, Saint-Michel-en-Brenne, Mézières-en-Brenne et Vendoeuvres. Le 30 août, ils atteignent Neuillay-les-Bois et la région située au sud du chef-lieu du département. Ils ratissent ainsi la forêt de Châteauroux, y déciment plusieurs groupes de maquisards et exécutent deux gendarmes. En fin de journée, ils s'installent au Poinçonnet et à Ardentes et cantonnent une journée entière dans les deux bourgades. Le lendemain, 31 août, l'avant-garde de la colonne centrale quitte Ardentes en début d'après-midi et continue à emprunter des petites routes départementales passant par Sassierges-Saint-Germain, Ambrault, Bommiers et Pruniers. Dans le Cher, les éléments de la brigade indienne traversent de nuit les localités de Chezal-Benoît, Mareuil-sur-Arnon, l'Echalusse, Lunery et arrivent à Arçay en début de matinée où ils stationnent la journée du 1er septembre. Le lendemain, la colonne repart par Levet, Dun-sur-Auron et Sancoins où plusieurs hindous sont brûlés avec les honneurs militaires. En effet, les heurts avec des groupes de résistants occasionnent des pertes. En représailles, les mêmes scènes de violence se répètent dans les bourgs traversés : pillages, incendies, viols et exécutions sommaires.

Le passage des « Hindous » a durablement marqué les esprits. La surprise des habitants était toujours très grande dès l'arrivée de cette troupe hétéroclite, composée d'hommes « noirs, pour la plupart enturbannés et en short ». A fortiori, les Indiens étaient à première vue pris pour des soldats américains car ils parlaient anglais et recevaient leurs ordres en anglais. Il semble également qu'au fur et à mesure des jours les officiers allemands aient eu de plus en plus de difficultés à tenir leurs troupes en main. Parfois pris pour des Éthiopiens, des « Abyssiniens » ou des « Mongols », ils se signalèrent tout particulièrement par les viols collectifs qu'ils commirent et dont furent victimes des femmes de tout âge.

Il faut toutefois se garder de généraliser ces comportements, seuls certains groupes de « Tigres bondissants » se conduisaient comme des « bêtes ». Des Indiens isolés et traînards figuraient à l'arrière du groupement Taglishbeck et la colonne Elster contenait également quelques légionnaires égarés.


DOCUMENT I

La retraite des Allemands
dans l'arrondissement du Blanc
(source : Archives départementales de Indre, M 2775)
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Le lendemain de la libération officielle et définitive du département de l'Indre, le sous-préfet du Blanc Christian Delaballe établissait un bilan du passage dans son arrondissement des troupes allemandes en retraite.

Sous-préfecture du Blanc

Le Blanc, 11 septembre 1944

Le sous-préfet du Blanc

au préfet de l'Indre

objet : événements de guerre

dans l'arrondissement

du 28 août au 7 septembre 1944

Le 28 août, des éléments allemands arrivèrent à Tournon-Saint-Martin, venant d'Angles-sur-l'Anglin. C'étaient les premiers détachements des éléments considérables ennemis, venant du sud-ouest, qui tentaient de rejoindre la frontière allemande et devaient passer presque sans interruption dans mon arrondissement, du lundi 28 août au mercredi 6 septembre.

Les troupes allemandes ont emprunté, à travers l'arrondissement du Blanc, l'itinéraire suivant :

1. Tournon-Saint-Martin, Lureuil, Lingé, Saint-Michel-en-Brenne, forêt de Lancosme ;

2. Martizay, Saint-Michel-en-Brenne, Mézières-en-Brenne, Vendoeuvres ;

3. Preuilly-S/Claise, Azay-le-Ferron, Paulnay, Mézières-en-Brenne, Subtray, Sainte-Gemme.

J'ai l'honneur de vous rendre compte que, dès que la situation l'a permis, le 9 septembre courant, j'ai parcouru longuement toutes les communes et hameaux qui avaient été traversés par les colonnes allemandes en retraite. Cette retraite a été trop rapide pour que les dégâts qu'elle a pu commettre aient été considérables. Cependant, sur tout l'itinéraire, on remarque de nombreuses traces du dépit des Allemands : fermes brûlées, arbres fruitiers coupés, etc. Des véhicules incendiés, des caisses de munitions abandonnées, des cadavres allemands jonchaient encore les routes lors de mon passage.

La fureur des Allemands s'était plus particulièrement fait sentir :

1. Sur l'itinéraire suivi par une division hindoue (Martizay, Saint-Michel-en-Brenne, Mézières-en-Brenne, Vendoeuvres) ;

2. Dans le petit village de Sainte-Gemme, plus qu'à moitié détruit par l'incendie.

Je vous communique ci-dessous, d'une façon très succinte, les principaux dégâts causés par les Allemands dans les communes que j'ai visitées le 9 septembre :

Tournon-Saint-Martin

N'a connu le passage que d'éléments peu nombreux. Les otages qui avaient été pris ont été remis en liberté, sans sévices. Aucun bâtiment n'a été touché. Pillages restreints, les Allemands emportant surtout des chevaux et des bicyclettes.

Lureuil

A connu des passages d'Allemands les 29 et 30 août, et 1er et 3 septembre. Quelques fermes incendiées. Pillages assez importants. Aucun sévice contre les personnes. Enlèvements de chevaux et de bicyclettes.

Martizay

A été plus particulièrement éprouvé lors du passage des Hindous, du 29 au 31 août. Deux femmes ont été violentées. Si aucune demeure n'a été détruite, le pillage n'en n'a pas moins été sérieux. Enlèvements comme partout de chevaux et de bicyclettes.

Azay-le-Ferron

Quoique sur le passage de la principale colonne, Azay-le-Ferron a eu le bonheur de ne déplorer ni tués, ni viols, ni bâtiments brûlés. Il y a eu cependant du pillage, et comme toujours, tous les chevaux qui sont tombés sous la main des Allemands ont été enlevés.

Paulnay

Quelques fermes ont été incendiées et les pauvres gens qui les habitaient ont tout perdu. Le bourg a peu souffert. Tous les chevaux ont été enlevés.

Saint-Michel-en-Brenne

C'est surtout dans la soirée du 29 août et dans la journée du 30 août lors du passage des divisions hindoues et de quelques éléments cosaques que la commune a subi de graves outrages. Presque toutes les femmes de ce tout petit bourg (une dizaine au moins) ont été violentées dans des conditions particulièrement odieuses et quel que soit leur âge.

Une maison au milieu du bourg a été détruite sans raison, incendiée et complètement détruite.

Un vieillard, M. Petrault, âgé de 78 ans, a été tué à la suite de la découverte dans son domicile de tissu de parachute.

Le cantonnier M. Cogner a été abattu sans explication au milieu du village. Un jeune F.F.I., arrivant imprudemment par la route, a été abattu.

Grâce à l'énergique attitude de sa directrice, Mlle Taffanel, l'école rurale de Saint-Ciran, où une dizaine de jeunes filles se trouvaient encore, a été protégée et les élèves ont pu s'enfuir sans avoir subi aucun outrage.

Mézières-en-Brenne

C'est sans doute Mézières-en-Brenne qui a vu passer le plus grand nombre de troupes, du fait que ce bourg recueillait les éléments venus par deux itinéraires, celui de Martizay et celui d'Azay-le-Ferron.

De renseignements assez sûrs donnés par des personnes sérieuses, il ressort qu'entre 100 000 et 150 000 Allemands sont passés là sans discontinuer, du 30 août au 6 septembre.

Maître Charron (2), premier adjoint, qui remplaçait M. Morève, a évité certainement à Mézières-en-Brenne, par son courage, son sang-froid, et son énergie, des conséquences graves. Pendant ces neuf jours, dormant peu ou pas, sans cesse sur la brèche, rassurant la population, et en imposant par son attitude aux officiers allemands, il a permis à son important chef-lieu de canton, de passer cette période difficile presque sans dommages. Les seuls dégâts matériels importants sont l'incendie d'un petit groupe de maisons, à l'entrée du village, à proximité duquel des F.F.I. avaient oublié deux de leurs voitures, leur découverte provoquant immédiatement des représailles.

Sainte-Gemme

Alors que toutes les autres localités de mon arrondissement avaient relativement assez peu souffert, la petite commune de Sainte-Gemme a été atrocement éprouvée. Dans ce coquet petit village, 34 maisons, c'est-à-dire presque toutes les maisons du centre du bourg, et plus de la moitié des maisons du village, ont été totalement détruites par l'incendie.

D'après les renseignements que j'ai pu recueillir, il semble que c'est la découverte d'un document sur l'un des nôtres, un soldat F.F.I. tué, qui ait signalé aux Allemands la présence d'importants éléments de la Résistance sur le territoire de cette commune. L'ordre de mettre le feu au village a été donné par un officier revenu exprès de Buzançais à Sainte-Gemme. Cet officier, un colonel, a été identifié avec précision, et le lieutenant de gendarmerie qui m'accompagnait a tous les renseignements nécessaires pour permettre de le retrouver.

Le feu a été mis aux maisons, soit à l'aide de phosphore, soit par des grenades incendiaires, soit même à l'aide de simples briquets sans avoir laissé le temps aux pauvres gens de sauver quoi que ce soit de leur linge ou de leurs meubles. De toutes les maisons atteintes par l'incendie, il ne reste plus rien, que les quatre murs. La solidarité, heureusement, a joué pleinement. Tous les sinistrés ont reçu immédiatement accueil chez leurs concitoyens plus favorisés. Les premiers secours de la Croix Rouge de Buzançais et de Châteauroux ont été accueillis avec le soulagement que l'on devine.

Ce sont surtout des vêtements, du linge et des chaussures qui font le plus gravement défaut. Il est inutile, pour le moment, d'envisager des dotations de meubles ou d'ustensiles ménagers, car les maisons sinistrées sont totalement inhabitables, et il faudra avant de s'en préoccuper, reconstruire le village.

Le maire, M. Moreau (3), dont l'habitation compte parmi les maisons brûlées, avait été pris par les Allemands comme otage, et a échappé de peu à la mort. Une femme chez laquelle on avait trouvé un exemplaire d'un journal de la résistance a été abattue et jetée dans les flammes. Une autre a brûlé vive dans sa maison .

Tous ces pauvres gens font preuve d'un courage remarquable, ayant tout perdu, ils gardent quand même leur confiance. Je leur ai affirmé que l'on reconstruirait leur village et cet espoir leur a redonné un peu de joie.

En conclusion, je me permets d'appeler votre attention sur les deux points suivants :

1°en première urgence, il convient d'étudier la reconstitution de la cavalerie dans tous les villages qui jalonnent l'itinéraire des colonnes allemandes. C'est là une question très grave, car, dans la plupart des campagnes intéressées, les travaux des champs se trouvent totalement interrompus faute de chevaux ;

2° en deuxième urgence, l'étude de la reconstruction de Sainte-Gemme. Je ne dissimule pas que les conditions actuelles ne permettent pas d'entreprendre, dès maintenant, des travaux, mais il importe que la population ait l'impression qu'on s'en préoccupe, afin d'éviter l'abandon de ce village, jusqu'ici si coquet, et si prospère, par un très grand nombre de familles. Seule la perspective d'une reconstruction assez rapide de leurs maisons peut les maintenir sur place.

Dans toute ma tournée, pendant laquelle je me suis attardé de longues heures dans chaque village, j'étais accompagné par le lieutenant de gendarmerie, dont les gendarmes vont entreprendre, sans délai, tous les constats nécessaires, et par le représentant de l'inspection de la Santé pour l'arrondissement du Blanc, le Docteur Auregan. Ce dernier a vu plus particulièrement la situation sanitaire dans les communes où sont passées les colonnes hindoues, et s'est entretenu avec les docteurs locaux des différentes questions au point de vue hygiène publique, que posent les violences commises par ces sauvages. Le docteur Auregan va envoyer un rapport spécial au docteur Robini, sur cette importante question.


DOCUMENT II

Le récit de l'incendie de Sainte-Gemme par un habitant du village
(source : Archives Nationales, F 41 - 394)
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Au début de l'année 1945, le président du C.L.L. de Sainte-Gemme apporte un témoignage très précis sur la journée dramatique qu'il a vécue dans son village.

Mairie de Sainte-Gemme

Sainte-Gemme, le 8 février 1945

Le président du Comité de Libération

au délégué régional

à l'Information à Limoges

En réponse à votre lettre du 22 janvier 1945, j'ai l'honneur de vous donner les renseignements suivants :

a. Des atrocités ont été commises dans ma commune par les troupes d'occupation à la date du 30 août 1945 ;

b. La relation des faits existe dans la note ci-jointe.

Le 30 août au matin, une première colonne motorisée allemande passe dans le bourg, vers 8 heures, se dirigeant route de Buzançais. À quelques kilomètres de ce chef-lieu de canton, un maréchal des logis-chef [M. Pavillon] et un autre militaire du 8e Cuirassiers [le brigadier Garnier] sont tués par des éléments de tête de la colonne. Le premier nommé était porteur d'un message dont l'adresse était « Section Gervais, la Régie, Sainte-Gemme ». Pour plus de compréhension, je signale que « La Régie » est le nom d'une grosse ferme sise dans l'agglomération même du bourg et elle cachait un fort contingent de maquisards ainsi qu'un dépôt de munitions et d'armes automatiques.

Aussitôt cet événement, le chef de la colonne prévenu, revient sur ses pas à toute allure vers la 2e colonne qui était en vue de Sainte-Gemme. Dès lors, les événements tragiques vont se précipiter à une cadence de plus en plus accélérée. Les Allemands arrivant de la route de Mézières-en-Brenne, descendent en masse des camions et occupent le village en un clin d'oeil ; les mitrailleuses, les canons même, sont braqués sur toutes les routes. Les habitants affolés se réfugient dans leurs maisons ou fuient dans la campagne.

8 h 30, les premiers coups de feu crépitent et dès lors, c'est une fusillade et une canonnade des plus nourries. Alors les incendies se succèdent à une cadence accrue : la mairie, l'habitation du maire, la ferme de « La Régie », les deux « café-restaurant-épicerie », d'autres habitations. Une fumée épaisse recouvre tout le pays, le spectacle est tragique. Pendant ce temps, des boches prennent des otages qu'ils rassemblent au monument aux morts et près du porche de l'église. Je suis parmi eux, et, avec eux, nous vivons l'effrayant spectacle qui se déroule devant nos yeux. Nous pensions tous à Oradour ! Et nous pensions tous à la fin qui paraissait devoir nous être destinée. Les habitants du pays qui ont fui errent dans les champs, se cachent dans les fossés, dans les carrières, dans les haies. Les balles pleuvent un peu partout et c'est miracle qu'on n'ait pas de mort à déplorer. Ils assistent, eux aussi, au spectacle des énormes incendies ravageant tout.

Vers 11 heures, parmi les otages rassemblés, quatre sont désignés pour accompagner la colonne qui va se diriger sur Buzançais : le boulanger, un réfugié lorrain, moi-même et un maquis de 20 ans, en civil, que je cachais chez moi et que j'avais déclaré être mon fils. Nous avons été placés chacun sur le garde-boue avant d'un camion et nous avons été relâchés après dix kilomètres, sur la route de Buzançais à Levroux, à un kilomètre environ du premier pays nommé.

Nous avons été menacés, mis en joue plusieurs fois, mais on ne nous a pas fait de mal. Après 11 heures, et d'après les témoins, tous unanimes d'ailleurs, 16 maisons seulement étaient détruites. Mais le soir, pour parachever leur oeuvre, les Allemands appartenant à d'autres colonnes ont brûlé les trois quarts du bourg qui furent complètement anéantis. J'ai assisté de loin, la nuit, à l'anéantissement de ma petite patrie.

Au total :

- 34 maisons complètement détruites, les plus importantes ;

- 22 partiellement détruites.

Soit un total de 46.

Le préau de l'école, qui contenait 24 paillasses pour les réfugiés normands, a été brûlé. Le feu a été mis dans quatre pièces du logement de l'instituteur, mais une seule a brûlé. C'est un miracle que tout le bâtiment ainsi que les classes n'aient pas été brûlés. Celles-ci devaient être bien utiles par la suite, pour l'organisation des secours.

Mme Alison, qui vendait La Marseillaise du Berry a été revolvérisée à la nuque et brûlée dans sa maison après avoir été traitée de « sale française » qui osait (!) vendre un journal qui « traitait mal les Allemands » !!

Mme Bertrand, que les Allemands recherchaient depuis le matin et qui avait été blessée par eux, a été trouvée carbonisée dans sa maison. Son petit-fils avait organisé le maquis dans la commune.

Enfin, j'ajoute qu'une jeune femme a été violée par deux Hindous.

Ce sont les événements tragiques qui se sont déroulés dans ma commune au cours de la journée du 30 août.

Je ne parle pas des animaux qui ont péri dans le sinistre, les chevaux, en particulier, qui devaient tant manquer pour l'organisation des secours immédiats.

Aujourd'hui, le village a un véritable aspect de zone de guerre. Les sinistrés, pas tous, habitent dans des baraques des « Camps de Jeunesse » ayant à toute heure la vision réelle de ce qui n'est plus leur habitation familiale.


DOCUMENT III
Les protestations du maire du Poinçonnet
(source : Archives départementales de l'Indre, M 2775)
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Le 20 septembre 1944, le maire du Poinçonnet écrit au préfet de l'Indre pour lui rendre compte des atrocités commises lors du séjour dans sa commune de légionnaires indiens. Sa missive est contresignée par Eugène Hardy, « président du groupe de libération du Poinçonnet », c'est-à-dire du comité local de libération.

L'auteur de cette lettre se nomme Camille Van Crayelinghe. Né en 1873, il exerce sa profession de magistrat dans l'Indre et dans le Cher et achève sa carrière à la fin des années trente comme président du tribunal civil de Bourges. En 1941, il profite de sa retraite au domaine de la Croix Rouge, situé sur la commune du Poinçonnet, quand le préfet de l'Indre le nomme maire du Poinçonnet. Le 20 octobre 1942, le préfet Jacquemard écrivait à son propos : « M. Van Crayelinghe est un homme de grande autorité au passé sans tache, et connaissant l'administration communale. Très bon maire, il [...] n'a jamais fait de politique. National, dévoué au Maréchal et à son gouvernement. » (A.D.I. 1281 W 3.) Recommandé par la Légion Française des Combattants et considéré comme un « modéré sans passé politique », il est nommé conseiller départemental par le Gouvernement de Vichy à la fin de 1942. Il n'est pas maintenu dans ses fonctions de maire à l'automne 1944 et ne se présente pas devant le suffrage universel aux élections municipales d'avril-mai 1945.

Je soussigné, Camille Van Crayelinghe, maire du Poinçonnet, chevalier de la Légion d'Honneur, croit devoir dénoncer les faits suivants qui, se sont déroulés sur le territoire de la commune du Poinçonnet dans la journée et la soirée du 30 août 1944

Le 30 août 1944, vers 17 h, un détachement de troupes allemandes en retraite, composé d'Hindous avec cadres allemands, vint cantonner dans le bourg du Poinçonnet et les villages environnants.

Aussitôt installés, ces Hindous, bêtes fauves déchaînées, pénétrèrent dans les exploitations agricoles et les maisons d'habitations et, sous l'oeil indulgent sinon complaisant de leurs chefs, se livrèrent à un pillage forcené, s'emparant des chevaux, des voitures, des bicyclettes, s'appropriant les objets les plus divers, de l'argent, des bijoux et souvenirs de famille, brisant les meubles fermés à clef, souillant ou détruisant ce qu'ils ne pouvaient emporter. Certains habitants ont été dépouillés de tout leur avoir.

À ces actes de banditisme s'ajoutèrent malheureusement des attentats contre les personnes bien autrement graves.

Plusieurs femmes et jeunes filles ont été violées et, certaines, l'objet de tentatives de viol réitérées.

C'est tout d'abord Mme X..., dont le mari est prisonnier de guerre. Vers 22 heures 30, pénètrent chez elle trois Hindous ; Mme X..., sa mère et sa fille sont réunies dans la cuisine. Sous menace de mort, la jeune femme est contrainte de passer dans sa chambre et pendant que l'un des hommes tient en respect Mme X... mère et la fillette terrorisées, les deux autres suivent Mme X... et, l'un après l'autre abusent d'elle malgré ses cris et ses efforts pour leur échapper.

Une scène analogue se produit au domicile de Mme Y... Elle aussi est victime des mêmes violences de la part des Hindous pendant que son mari est réduit à l'impuissance par un camarade de ce dernier.

Deux jeunes filles de la Forge de l'Isle, Mlles X... et Y..., sont, elles aussi, atrocement violentées par des Hindous.

Dans la demeure de M. Z... dont la femme est mourante (elle décédait le lendemain), un des ces monstres s'introduit dans la chambre de la moribonde et, sous les yeux de celle-ci, par trois fois tente d'abuser de la fille de Mme Z... et de sa petite fille, une enfant de 12 ans. Cette scène inimaginable dura une heure.

Un autre Hindou pénètre dans la demeure des époux X... Leur fille Y... est avec eux. Cet Hindou est ivre. Il veut posséder la jeune fille et, sous les yeux des parents de la malheureuse épouvantés et incapables de la défendre, ils sont âgés, le bandit multiplie ses entreprises durant trois heures. Il se heurte cependant à une résistance farouche de Mlle X... qui, finalement, réussit à lui échapper.

Plusieurs autres femmes et jeunes filles ont été également l'objet de tentatives semblables dans la même soirée du 30 août.

À ces actes de bestialité inqualifiables, s'ajoutèrent des actes de cruauté dont moi-même, j'ai 71 ans, quatre de mes administrés, MM. Baronnet, secrétaire de mairie, Londe, Laveau, Lavillionnière et neuf habitants de Châteauroux avons eu à souffrir de la part du commandement allemand, sans que l'attitude de la population du Poinçonnet ait justifié pareille mesure. Nous avons été arrêtés, puis détenus comme otages, pendant quinze heures dans un galetas, gardé par une sentinelle qui avait ordre, au moindre incident, de jeter une grenade incendiaire dans le réduit que nous occupions. En même temps que nous, quatre femmes : Mmes Baronnet, Ratier, Londe et Virard, avaient été aussi arrêtées. Elles ne furent libérées qu'après une détention de trois heures.

À Varennes, plusieurs otages ont été également pris et menacés d'exécution au prétexte qu'à la ferme Daubord se trouvait une automobile ayant appartenu à l'armée allemande.

Aux Divers où des officiers F.F.I. avaient installé un poste de T.S.F. (4), M. Paul Rue, sa femme et son personnel, M. Godard, sa famille sont pillés et menacés de fusillade. M. Rue a un hangar incendié.

Entre temps, deux gendarmes parisiens égarés dans la région étaient sauvagement abattus à l'entrée du bourg (5).

Tels sont les événements dramatiques dont le Poinçonnet fut le théâtre dans la journée du 30 août 1944 (6).

Dans la nuit du 4 au 5 septembre 1944, nouveau passage de troupes allemandes et nouveaux pillages.

Il serait légitime que Mme X..., Mme Y..., Mlle Z... et Mlle X... dont les ressources sont modestes, obtiennent des indemnités réparatrices importantes.

Le maire : Camille Van Crayelinghe.


DOCUMENT IV

Un groupe de gendarmes face aux Hindous à Ardentes
(source : Archives départementales de l'Indre, M 2775)
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Ce procès-verbal est le témoignage d'un sous-officier de gendarmerie sur la rencontre de son groupe avec les « Hindous » à Ardentes le 30 août 1944.

Procès-verbal n°1993

daté du 31 octobre 1944

de Chauvet Roger,

maréchal des logis-chef

de gendarmerie à la résidence

de Châteauroux,

département de l'Indre [...]

Rapportons que le 30 août 1944, vers 14 heures, sur ordres des commandants de Légion et de Compagnie, avons évacué la caserne de Gendarmerie de Châteauroux, à l'effet de se replier sur Buxières-d'Aillac (Indre) (7).

Au cours de ce repli, nous avons été faits prisonnier à Ardentes, ainsi que les gendarmes Piget, Tessereau et Thomas, par les Allemands (groupe des Frères Indiens) et, avons subi de ceux-ci les atrocités suivantes :

Dès notre capture à Ardentes (8) par un groupe de sept à huit soldats allemands et indiens armés de trois mitrailleuses lourdes, de deux fusils-mitrailleurs, ainsi que de fusils ordinaires braqués sur nous dès notre apparition, nous avons été placés contre un mur dans la position « Haut les mains ». Nos capteurs [sic] ont procédé à notre fouille immédiatement et nous ont retiré divers papiers et objets personnels, nous menaçant à ce moment de nous fusiller sur le champ, en prononçant avec rage à notre égard les paroles suivantes : « Police, Maquis. »

Une mitrailleuse fut alors braquée sur nous mais, au moment où un soldat indien engageait un chargeur dans cette arme, un motocycliste venant de la direction de Châteauroux est arrivé à proximité du poste ennemi ; le feu fut ouvert aussitôt sur ce motocycliste qui a réussi à s'enfuir après avoir abandonné son véhicule (9). À ce moment, n'étant plus tenus en respect par nos agresseurs qui semblaient s'intéresser à celui qui venait de leur échapper, nous avons profité de cet instant pour prendre la fuite également à travers bois et champs, après avoir contourné le mur des jardins de la caserne de gendarmerie d'Ardentes contre lequel nous étions alignés.

Nous avons réussi à gagner Neuvy-Saint-Sépulchre péniblement, étant donné la fatigue qui nous accablait à la suite du long parcours que nous avons dû faire au pas de course pour nous éloigner le plus rapidement possible de nos capteurs qui avaient ouvert le feu sur nous. Toutefois, aucun de nous, ne fut atteint par les projectiles. De Neuvy, nous avons rejoint Lourdoueix-Saint-Michel sous les ordres du capitaine Leroux (10) et, nous y sommes restés jusqu'au 10 septembre, date à laquelle nous sommes rentrés à notre résidence.

Lors de notre capture, nous avons dû abandonner les effets et le matériel suivants dont les Allemands se sont emparés :

1° Maréchal des logis-chef Chauvet

Trois chemises, trois caleçons, 4 paires de chaussures, 1 tricot en laine, 2 flanelles, 5 mouchoirs, 1 pantalon de toile kaki, 4 serviettes de toilette, 1 veste en cuir, 1 bicyclette, 1 couteau de poche, 1 nécessaire de toilette complet avec rasoir (préjudice causé : 4 225 françs) ;

2° Gendarme Piget

[...] (préjudice causé : 20 000 francs) ;

3° Gendarme Tessereau

[...] (préjudice causé : 5 595 francs) ;

4° Gendarme Thomas

[...] (préjudice causé : 3 547 francs).

Nous mentionnons que les atrocités de l'ennemi à notre égard, lors de notre capture à Ardentes, notamment lorsqu'une mitrailleuse fut braquée sur nous alors que des menaces de mort nous étaient adressées, ont causé un détriment moral chez nous tous.

En outre, notre évasion dont la tentative apparaissait impossible sans encourir de grands risques étant donné les circonstances dans lesquelles elle a eu lieu, a apporté en nous un détriment physique dont nous avons eu à souffrir par la suite de l'effort fourni pour échapper au danger que nous encourions de ce fait.

Quatre expéditions destinées :

M. le colonel commandant la 12e légion de gendarmerie à Limoges

M. le procureur de la République à Châteauroux

M. le préfet de l'Indre à Châteauroux

Les archives.

Fait et clos à Châteauroux le 31 octobre 1944 à 17 heures.


DOCUMENT V
L'odyssée d'un gendarme otage d'Ardentes à Arçay
(source : Archives départementales de l'Indre, M 2775)
[Haut de page]
Ce second rapport a aussi pour auteur un maréchal des logis-chef de la brigade de Châteauroux, arrêté également à Ardentes par les légionnaires indiens et leurs officiers germains. Toutefois, Eugène Fiot et ses collègues ne réussissent pas à s'enfuir et demeurent pendant plusieurs jours les otages de la colonne allemande qui continue son parcours à travers l'Indre et ne délivre ses « invités » que dans le Cher.

Procès-verbal daté du 31 octobre 1944

de Fiot Eugène,

maréchal des logis-chef de gendarmerie

à la résidence de Châteauroux,

département de l'Indre [...]

Rapportons que le 30 août 1944, vers 14 heures, sur ordres des commandants de Légion et de Compagnie, avons évacué la caserne de gendarmerie de Châteauroux, à l'effet de se replier sur Buxières-d'Aillac (Indre). Au cours de ce repli, nous avons été faits prisonnier à Ardentes, ainsi que le maréchal des logis-chef Bardin, les gendarmes Hemery, Brillaud, Mesmin, Couet, Lagarde, Tanguy, etc., par les Allemands (groupe des Frères Indiens) et avons subi de ceux-ci les atrocités suivantes :

Dès notre capture à Ardentes par un groupe de sept à huit soldats allemands indiens armé de trois mitrailleuses lourdes, de deux fusils-mitrailleurs, ainsi que des fusils ordinaires braqués sur nous dès notre apparition, nous sommes placés le long d'un mur, les bras en l'air. Immédiatement, nos capteurs [sic] procèdent à notre fouille, nous arrachant notre armement, nos munitions, nos papiers y compris argent et tous autres objets trouvés sur nous, ainsi qu'une partie de nos vêtements, qu'ils s'accaparent. Ils fouillent ensuite les véhicules automobiles avec lesquels nous nous replions et s'emparent de tout ce qui se trouvait à l'intérieur (valises contenant des effets civils, linge de corps, vivres, ainsi que de l'armement). Toujours alignés le long d'un mur, les bras en l'air, ils menacent de nous fusiller immédiatement prononçant avec rage à notre égard les paroles suivantes : « Aless Maquis, alles capout. » [sic]

Un gradé de cette unité étant arrivé sur les lieux donne ordre aux soldats de ne pas nous fusiller sur place et de nous conduire immédiatement au centre du bourg d'Ardentes, ce qui a été fait aussitôt.

Nous sommes conduits au centre du bourg d'Ardentes, à l'intersection des routes de Tranzault et Jeu-les-Bois, où nous sommes placés le long d'un mur et où se trouvent déjà trois gendarmes d'Ardentes et une dizaine de civils. Nous passons la soirée debout le long de ce mur. Quelques uns de nous souffrent de la soif ; un boulanger habitant en face d'où nous nous trouvons nous offre de l'eau, mais nos gardiens s'y opposent formellement.

À la tombée de la nuit, nous sommes emmenés sur la place de la mairie où nous retrouvons plusieurs camarades faits également prisonniers au cours de la soirée, notamment le chef Givelet, les gendarmes Revenu et Lebras, ainsi que plusieurs civils dont j'ignore les noms. Nous sommes enfermés ensuite dans un silo à grains où nous passons la nuit et une partie de la journée du lendemain. Ni boire ni manger ne nous est donné. Ce local est entouré de cinq ou six mitrailleuses et aucune évasion n'est possible. Pendant la nuit, les sentinelles tirent de temps à autres des coups de feu, sans doute pour nous effrayer (11).

La nuit a été longue et les souffrances morales beaucoup plus dures que les souffrances physiques qui nous terrassaient, nous ont empêché de dormir. Aucun de nous, au nombre de trente-cinq que nous étions, n'a fermé l'oeil.

Le 31 août, vers 16 heures, les sentinelles nous font sortir du local et nous rassemblent en colonne par trois, puis nous emmènent sur la place de la mairie d'Ardentes, où ils nous font aligner sur un rang le long d'un corbillard. Une nouvelle frayeur s'infiltre dans nos esprits et nous nous demandons si l'on ne va pas nous fusiller en ce lieu.

Un officier allemand se présente devant nous et nous déclare que nous sommes leurs prisonniers. Il nous fait connaître que nous allons être placés en tête de leur colonne et que si quelqu'un de nous tente de fuir, nous serons tous fusillés immédiatement.

Placés aussitôt en tête de la colonne, encadrés par une dizaine de sentinelles, nous prenons notre marche en direction d'Ambrault.

La marche, pendant environ quinze kilomètres, se passe sans incident. À quinze cents mètres environ d'Ambrault, des coups de feu sont tirés d'un bois vraisemblablement par les F.F.I. Les Allemands ripostent par quelques rafales d'armes automatiques et tout semble rentrer dans l'ordre. Nous reprenons notre marche qui avait été arrêtée dès les premiers coups de feu. Arrivés à l'entrée du bourg d'Ambrault, la fusillade reprend avec violence de part et d'autre. Les armes automatiques sont en action. Un colonel allemand donne ordre à nos gardiens de nous placer devant eux c'est-à-dire de se camoufler derrière nous. La bataille fait rage, les balles sifflent tout autour de nous, mais aucun de nous n'est atteint. À un certain moment, un sous-officier nous fait coucher dans le fossé. Nous sommes entassés les uns sur les autres et nous nous demandons si ce n'est pas les derniers instants de notre vie.

Pour réduire le feu des F.F.I., dont un F.-M. ne tire plus que quelques rafales par intermittence, les Allemands mettent en batterie derrière nous plusieurs pièces d'artillerie (des 47 mm de marine). Ils tirent plusieurs salves sur le bourg d'Ambrault, une quinzaine de coups environ. Les maisons s'écroulent, c'est un fracas abominable. Ils mettent le feu à la majeure partie des habitations, et tirent des rafales d'armes automatiques sur n'importe qui. C'est le carnage complet.

Les sentinelles nous ont fait relever et tenir debout. Les Allemands ont un tué, un adjudant, et un soldat blessé. Nous ignorons le nombre des victimes civiles qui malheureusement est certainement beaucoup plus important.

Un officier se présente à nous et fait sortir des rangs deux de nos camarades, le chef Givelet et le gendarme Tanguy. Un instant de stupeur s'infiltre dans nos esprits et nous nous demandons, si ce n'est pas pour les fusiller. Il n'en est rien, une pelle et une pioche leur sont données et l'ordre leur est donné de creuser un trou à côté d'un château d'eau se trouvant sur les lieux.

Le travail est effectué en peu de temps. À ce moment, quatre autres de nos camarades sont emmenés au même lieu. Nouvelle frayeur parmi nous. Un deuxième trou commence à être creusé, mais un officier arrive et donne ordre de cesser le travail. À ce moment, le corps du sous-officier allemand est transporté dans le premier trou. Pour leur montrer que nous sommes plus humains qu'eux, je fais signe à mes camarades de nous découvrir, ce qui est fait aussitôt. Leur regard est immédiatement fixé sur nous.

Quelques instants plus tard, un sous-officier nous avise que nous ne serons pas encore fusillés ici. Ils nous font reprendre immédiatement notre marche. Nous traversons le bourg d'Ambrault qui est en feu. Nous apercevons au passage dans les couloirs des habitations des cadavres de personnes qui ont été tuées au moment où elles tentaient de s'enfuir de chez elles. C'est un spectacle effrayant. Les soldats se livrent au pillage, cassant et brisant tout sur leur passage. C'est la barbarie complète.

Le bourg d'Ambrault traversé, nous sommes placés en queue de la colonne au lieu de la tête. La nuit est tombée. La colonne reprend sa marche et s'engouffre dans les forêts de Bommiers et de Mareuil [de Choeurs], dont les traversées sont longues de trente à trente-cinq kilomètres. La surveillance est sévère et aucune évasion n'est possible. Nous traversons Bommiers, Pruniers, Chezal-Benoît, Mareuil, l'Echalusse, Lunery et arrivons à Arçay (Cher), c'est-à-dire à 12 kilomètres de Bourges le 1er septembre vers 9 h 30, où l'on nous avise que nous allons faire une halte. L'étape longue de 75 à 80 kilomètres a été pénible, ayant été faite sans arrêt et sans aucune nourriture depuis notre capture. La majeure partie de nous, exténués par la fatigue et les pieds en sang, n'avance que péniblement, mais la peur d'être fusillés sur place nous fait marcher malgré nos souffrances.

Dès notre arrivée à Arçay, nous demandons à une sentinelle à parler à un officier, afin de lui demander les raisons pour lesquelles nous sommes faits prisonnier. L'officier, le même qui à Ardentes avait déclaré que nous étions prisonniers me reçoit. Je lui explique notre situation et lui fait connaître qu'en notre qualité de militaire de la gendarmerie, nous n'avons jamais fait partie d'une unité combattante et que les armes trouvées sur nous nous ont été toujours tolérées par les troupes d'occupation. Il me répond qu'il ne connaît pas notre cas, qu'il l'étudiera et qu'il me fera connaître sa réponse le lendemain matin.

Le même jour, vers 18 heures, nous fûmes rassemblés en ligne sur un rang le long d'un mur, face à la porte de l'église d'Arçay. Là, le capitaine allemand en question nous a invoqué les clauses de la convention de Genève, ainsi, que celles de l'Armistice conclu entre la France et l'Allemagne. Considérant que tout individu trouvé porteur d'armes serait considéré comme franc-tireur et fusillé immédiatement, il nous a fait connaître que ces prescriptions n'allaient pas nous être appliquées et que nous pouvions repartir chez nous.

Il est à noter que pendant notre capture qui a duré trois jours, nous n'avons eu qu'un seul repas qui nous a été offert par la municipalité d'Arçay le jour de notre libération, à qui nous avons rendu et à qui nous devons rendre encore le plus grand hommage pour le geste d'humanité que cette commune a fait à notre égard.

Notre retour à la résidence s'est également effectué à pied, en deux étapes, à travers bois, par craintre d'être repris par d'autres colonnes allemandes circulant dans la région.

De cette capture malheureuse, les souffrances morales en ce qui me concerne ont été beaucoup plus dures que les souffrances physiques. Les Allemands se sont comportés comme un peuple inhumain et non civilisé et comme de vrais barbares, tant vis-à-vis de nous que vis-à-vis de la population des localités qu'ils ont traversées en pillant tout sur leur passage.

Ces souffrances endurées ont amené chez la majeure partie de nous un détriment moral et physique dont beaucoup ont eu à souffrir par la suite. Moi-même, j'ai dû subir presqu'aussitôt une intervention chirurgicale pour pointe de hernie inguinale côté droit que j'attribue entièrement à la fatigue éprouvée. Les gendarmes Hemery et Mesmin ont été également malades, l'un souffrant d'une ébullition du sang dont il n'est pas encore guéri, et le second de coliques néphrétiques.

Il se peut que d'autres militaires des brigades externes aient été malades des suites de cette capture, mais je n'en connais pas les détails.

Quatre expéditions destinées :

M. le colonel commandant la 12e légion de gendarmerie à Limoges

M. le procureur de la République à Châteauroux

M. le préfet de l'Indre à Châteauroux

Les archives.

Fait et clos à Châteauroux,

le 28 octobre 1944.


DOCUMENT VI

Le bilan du passage de la colonne allemande à Ambrault
(source : Archives départementales de l'Indre, M 2775)
[Haut de page]
Deux jours après le passage de la colonne germano-indienne, le commandant de la brigade de gendarmerie d'Ambrault dresse l'inventaire des dégâts matériels et humains subis par le village. L'intérêt principal de ce procès-verbal ne réside pas dans la précision des faits rapportés. Il provient du décalage entre le bilan réel et le « spectacle effrayant », la « barbarie complète » vécus par le maréchal des logis-chef Fiot pris en otage à l'intérieur de la colonne (voir document précédent). Certes, les destructions ne sont pas négligeables, mais il ne s'agit pas d'un nouvel Oradour.

Par contre, le maréchal des logis-chef d'Ambrault se montre très discret sur les combats qui ont opposé les soldats indiens et allemands aux maquisards. Depuis le début du mois d'août, le capitaine « Jeannot » Bizeau avait formé au sud d'Issoudun trois maquis F.T.P. (lesquels forment la compagnie F.T.P.F. n° 2231 à la Libération). Celui d'Ambrault était commandé par Michel Bougnoux et à la fin du mois, ce maquis comprend plusieurs dizaines d'hommes. Parmi eux, le lieutenant F.T.P. Léon Roussel, gendarme de la brigade d'Ambrault passé à la résistance, qui revient un mois plus tard sur les faits : « lors de l'attaque que nous avons subie à Ambrault, le 31 août et que nous étions cantonnés au Breuil [hameau situé à 500 m d'Ambrault à l'orée de la forêt de Bommiers], j'ai sous les balles rassemblé tous les papiers du détachement et les ai mis hors de portée des Boches. J'aurai pu faire comme beaucoup, abandonner le tout, mais je connaissais la mentalité boche et je ne voulais pas exposer ceux qui nous hébergaient à subir les destructions qui ont marqué leur passage au bourg d'Ambrault. Le soir, je suis remonté au bourg d'Ambrault où j'ai appris que le lieutenant Morlan grièvement blessé [Pierre Morlan avait reçu une balle dans la bouche] se trouvait dans une maison particulière mais que les habitants voulaient lui faire passer la nuit dans le jardin car une colonne boche était signalée pour deux heures du matin. J'ai envoyé le sergent Breton afin de le faire transporter dans une ferme isolée dont j'ai déjà cité le nom du patron et dont je ne dirais jamais assez que son dévouement pour nous a été désintéressé, M. Brice aux Douces, commune de Bommiers. Morlan a été transporté de nuit à cette ferme et le lendemain à l'hôpital d'Issoudun [...] à notre cantonnement reposait notre camarade "Chique" [Jacques Guénard] qui avait trouvé une mort glorieuse en tirant sur les Boches, je suis retourné à Ambrault chez le menuisier pour commander le cercueil ensuite, je me suis occupé à loger les autres camarades dans les granges de Bois-Ramiers. » (A.D.I. 1279 W 17.)

Les trois victimes F.F.I. dénombrées par la gendarmerie d'Ambrault n'appartiennent pas au maquis d'Ambrault mais elles circulaient dans une automobile qui s'est retrouvée face à la colonne allemande.

GENDARMERIE NATIONALE

Ambrault, le 2 septembre 1944

Légion du Berry

Compagnie de l'Indre

Section d'Issoudun

Brigade d'Ambrault

n°139/2

RAPPORT

du maréchal des logis-chef Rivière

commandant la brigade

sur des événements de guerre à Ambrault

Le 31 août vers 16 h 30, une colonne de troupes allemandes venant par la route d'Ardentes et allant vers l'est est arrivée à Ambrault. Elle était composée de cyclistes et de véhicules divers (auto et hippo).

Les éléments de tête de la colonne, circulant à bicyclette, ont livré combat à des soldats des F.F.I. qui se trouvaient à Ambrault et à proximité.

La fusillade a duré plusieurs heures.

Les soldats allemands (en majorité Hindous ou Géorgiens, on ne sait exactement), ont visité la plupart des maisons du bourg et mis le feu en de nombreux points.

Ont été incendiés :

- une maison d'habitation à un sieur Bonnin ;

- une écurie, une étable et un hangar à un sieur Grazon ;

- une maison d'habitation à un Moulin ;

- un hangar à un sieur Chéret ;

- un hangar à un sieur Jugand ;

- deux hangars à un sieur Dessoubrais ;

- un hangar et la récolte de blé à un sieur Tirloreau ;

- une maison d'habitation à un sieur Lacaud ;

- une maison d'habitation à une dame Alaphilippe ;

- une maison d'habitation à un sieur Veron ;

- une maison d'habitation à une demoiselle Charron ;

- une maison d'habitation à un sieur Chefson ;

- une maison d'habitation à un sieur Aufrère ;

- un hangar et atelier aux sieurs Auxiette et Peru ;

- une écurie, grange et hangar avec récolte de blé à un sieur Pascal.

Soit au total quinze incendies importants, chiffre énorme pour une petite localité comme Ambrault.

De plus, de nombreux autres foyers d'incendie (une trentaine environ), ont été allumés, mais ne se sont pas développés, soit parce que le feu s'est aussitôt éteint de lui-même, soit parce qu'il a été combattu à temps par des habitants.

En outre, de très nombreux actes de pillage ont été commis. Des objets divers, notamment des montres, des réveils, de l'argenterie, des billets de banqueS ont été volés dans environ la moitié des habitations du bourg.

Un nombre considérable de vitres a été brisé par des rafales de balles tirées dans les fenêtres par les troupes de passage. Des murs ont été percés par des obus très perforants d'un calibre de 45 millimètres environ.

Du côté français, il y a cinq morts et un blessé grave. Les morts sont :

1° Glasser Auguste, dit Vitrier Emile [sic], réfugié d'Alsace, né le 2 mai 1891 à Sierentz (Haut-Rhin), domicilié à Ambrault, qui se trouvait dans une auto conduite par un soldat des F.F.I. (12) ;

2° un soldat des F.F.I. non connu (13), qui conduisait l'auto où se trouvait Glasser et que des camarades de son unité cantonnée quelque part dans le sud du département, a-t-on dit, vinrent chercher et emmenèrent sans faire connaître son identité ;

3° un soldat des F.F.I. nommé Szezpiorski Victor (14), né le 16 mai 1921 à Etain (Meuse), domicilié à Sivry-sur-Meuse ;

4° Forest Georges, menuisier, né le 13 juin 1908 à Saint-Août (Indre) et y demeurant, qui effectuait un travail de sa profession sur une maison à Ambrault ;

5° Forest Jean, menuisier, né le 13 juin 1908 à Saint-Août (Indre), et y demeurant, frère jumeau du précédent et qui travaillait avec lui.

Le blessé grave est un sieur Le Gall, propriétaire à Ambrault, qui a été atteint par une balle alors qu'il était près de son domicile.

Du côté allemand, un sous-officier tué a été inhumé par ses camarades près de la route à l'entrée du bourg de Ambrault.

À la caserne de gendarmerie, toutes les fenêtres ont été fermées et les portes verrouillées dès l'apparition de la tête de colonne allemande. Le personnel et les familles se sont réfugiés dans les logements et dans un fossé du jardin.

Des soldats allemands ont tiré la cloche et frappé dans les portes pour demander l'ouverture, mais sans succès. Ils sont repartis sans insister davantage.

Toutefois, ils ont pu ouvrir un volet de la fenêtre du bureau et briser une vitre. Deux balles tirées dans une fenêtre d'un logement ont brisé une autre vitre et pénétré dans le plafond. En plus, ils ont essayé d'incendier la caserne en allumant contre une fenêtre du bureau un feu qui s'est éteint de lui-même au lieu de se développer.

Plus tard, lorsque la colonne allemande fut passée et que des maisons situées à proximité brûlaient, une flammèche a fait allumer du feu à la toiture du bâtiment principal de la caserne, mais le feu combattu aussitôt par le personnel présent fut éteint après n'avoir occasionné que de très faibles dégâts.

Deux vitres brisées, deux trous de balles dans un plafond, quelques petites planches brûlées à la toiture, un volet de bureau très légèrement entamé par le feu, constituent en ce qui concerne la caserne de gendarmerie les seuls dégâts subis.

Le gendarme Gaudier qui habite en ville a eu des vêtements qui, pendus dans son logement, ont été troués par des balles d'armes automatiques.

Rivière.

N°5904/3 - Vu et transmis par l'adjudant-chef Bertrand, commandant provisoirement la section de gendarmerie d'Issoudun, au chef d'escadron commandant la gendarmerie de l'Indre à Châteauroux.

Issoudun, le 12 septembre 1944.

Bertrand.

N°9641/a - Vu et transmis à monsieur le préfet de l'Indre, Châteauroux, le 13 septembre 1944.

Le chef d'escadron Barbé commandant la compagnie de l'Indre.

Barbé.


Documents communiqués par M. Roger Picard, correspondant de l'I.H.T.P. dans le département de la Vienne, concernant le passage des « Hindous » dans l'Indre.
[Haut de page]

Dans le cadre de l'instruction du procès des « Hindous », qui, d'après Roger Picard, a dû vraisemblablement se tenir vers 1950 en Allemagne, deux pièces justificatives furent fournies par le secrétaire de mairie d'Ardentes et le maire d'Arçay. Il s'agit de documents rares qui complètent les documents précédents et nous remercions Roger Picard de nous en autoriser la publication.

(Jean-Louis Laubry, Alain Giévis)

Je soussigné, Raymond Sabourin, secrétaire de mairie à Ardentes Indre (France), certifie que les 29 et 30 août 1944, lors du passage de troupes allemandes sur le territoire de la commune, en l'absence de monsieur le maire, j'ai dû recevoir ces troupes et assurer les services commandés par l'officier signataire du mot que je joins.

Cet officier s'est présenté chez moi très correctement, parlant très bien le français en me disant : « Je sais qu'il est très désagréable pour vous de nous recevoir, mais nous sommes obligés. »

Durant nos rapports, il m'a semblé, comme moi, comprendre les horreurs de la guerre, et m'a dit : « Si vous apprenez que nos hommes se conduisent mal, dites-le moi, mais je n'en suis plus maître. »

À son départ, il est venu me remercier de mes services. En retour, je lui ai demandé de libérer nos prisonniers ardentais et en général tous ceux qu'il avait.

Il m'a répondu : « Ne vous inquiétez pas, d'ici peu vous les reverrez. » En effet, nos Ardentais sont revenus le soir même, et quelques jours après plusieurs autres prisonniers que je ne connais pas sont venus me remercier suivant l'ordre que leur avait donné cet officier.

À Ardentes, le 25 février 1948

signé : R. Sabourin

Vu pour la légalisation de la signature de M. Sabourin

Ardentes, le 25 février 1948

Le maire : Chéramy (15)

***

République Française

Mairie d'Arçay

(Cher)

Le 24 février 1948

Je soussigné, maire actuel et maire en 1944 (16) de la commune d'Arçay (Cher), certifie :

- qu'une unité allemande venant de la région d'Ardentes (Indre) a cantonné dans la commune du 31 août 1944 au 1er septembre 1944 ;

- que cette unité détenait une quarantaine d'otages, civils dénommés « Maquisards » et gendarmes français arrêtés le long du parcours ;

- que le capitaine qui la commandait a, pendant son séjour à Arçay, fait preuve de clémence en me permettant d'entrer en rapport avec mes compatriotes prisonniers afin de les ravitailler, voire même de les réconforter, car des paroles humaines prononcées, en français, devant moi, par ledit officier, me laissaient présumer leur libération prochaine ; [...].

[Le document est certainement incomplet]


NOTES [Haut de page]

(1) La plupart des informations sont tirées de l'article de R.G. Loosmore, The Springing Tigers in France, 1944, University of Leicester, mai 1983, 31 pages (A.D.C., J 1752).

(2) Né le 2/12/1880, Georges Charon exerçait la profession de notaire à Mézières-en-Brenne. Il est élu conseiller municipal en 1935 et devient adjoint du nouveau maire Roger Morève en 1939. Il conserve sa fonction jusqu'en 1959.

(3) Gustave Moreau était né le 16/01/1876. Retraité, il avait été élu maire de Sainte-Gemme en 1935 mais il n'appartient plus au nouveau conseil municipal élu en 1945.

(4) Selon Georgette Guéguen-Dreyfus, au hameau des Divers, « les Allemands prétendirent avoir découvert un poste émetteur-radio et arrêtèrent dans le bourg du Poinçonnet dix-huit personnes qu'ils firent aligner contre un mur pour être fusillées. Ce n'est que sur l'intervention du docteur Desmaret, médecin du S.T.O. qu'elles furent épargnées. À la Seigneurie où étaient stationnés soldats et officiers allemands, des hommes de la Varenne furent pris comme otages, puis relâchés sur l'intervention du même médecin. » (cf. « La journée sanglante du 30 août 1944 à Châteauroux », in Guéguen-Dreyfus Georgette, Résistance Indre et Vallée du Cher, Editions Sociales, Paris, tome 2, préface de M. Rousselier, 1972, p. 245).

(5) Le maréchal-des-logis Charles Denis et le gendarme Robert Isambourg sont tués près du cimetière du Poinçonnet.

(6) Le même jour, « André Pommery, le rédacteur en chef de La Marseillaise, avec sa femme et son chauffeur Alexis furent arrêtés par une embuscade d'Hindous au Riau de la Motte, en pleine forêt. Arrachés de leur voiture, ils durent rejoindre dans un fossé une trentaine de camarades réunis devant les Hindous en position de tir. Un officier allemand commandait ces hommes déchaînés, il y eut plusieurs victimes, la plupart des survivants furent relâchés grâce à Mme Pommery qui, en allemand, intervint auprès des officiers. Elle put elle-même avec son mari et le chauffeur poursuivre sa route. » (cf. « La journée sanglante du 30 août 1944 à Châteauroux », in Guéguen-Dreyfus Georgette, op. cit., p. 245).

(7) Le 30 août au matin, le P.C. départemental de Surcouf avait été déplacé à Buxières-d'Aillac.

(8) « Les Hindous s'installent dans la ville, tirent sur tout ce qui bouge et arrêtent tous les hommes qui se font voir, constituant ainsi trois groupes d'otages. Ils occupent immédiatement la poste, coupent les fils, isolant absolument le pays. Chaque route aboutissant à Ardentes est obstruée et un camion ou une mitrailleuse en interdit l'accès. » (cf. « Les Hindous à Ardentes. Le 31 août 1944 », in Guéguen-Dreyfus Georgette, op. cit., p. 250-252).

(9) G. Guégen-Dreyfus a recueilli un témoignage analogue : « Une auto du maquis surgit, pilotée par Bachelier, accompagné d'une femme. La voiture traverse Ardentes à la barbe des Hindous tandis que de toutes parts des coups de feu crépitent. À toute vitesse, elle prend le virage de la route de Tranzault, dérape et entre dans la boutique d'angle. Les Allemands se précipitent. Les occupants du véhicule, blessés légèrement, sont déjà partis et sortent par une porte dérobée, traversent tranquillement la rue de la gare un peu plus loin et se réfugient dans un jardin où toute la journée, ils s'occuperont à des travaux de jardinage. Les Allemands, mystifiés, fouillent en vain les maisons voisines et, de dépit, arrêtent des habitants qui vont grossir les groupes d'otages. Pendant la fusillade, une femme d'Ardentes est gravement blessée à une jambe. »

(10) Après avoir obtenu la Croix de Guerre lors de la campagne 1939-1940, le maréchal des logis-chef Georges Leroux est nommé chef de la brigade de gendarmerie de Châteaumeillant au début de l'Occupation. Dans ce canton du Cher limitrophe de l'Indre, il apporte une aide précieuse aux prisonniers de guerre français évadés. En 1942, il commande avec le grade d'adjudant la brigade d'Aigurande. Peu de temps après son arrivée, il forme un groupe de résistance avec certains habitants d'Aigurande. Le contact ayant été établi avec les responsables de la région de La Châtre, il devient en 1943 chef du sous-secteur A.S. d'Aigurande. Le 23 avril 1944, le capitaine « Château » reçoit la responsabilité de l'unité tactique organisée dans la région d'Aigurande - Eguzon. Après le débarquement, ce groupe devient le 3e bataillon léger du G.I.E. À la fin du mois d'août 1944, « Château » semble commander la section de gendarmerie de Châteauroux et c'est le commandant « Paul » Dupas qui prend sa succession à la tête du 3e bataillon.

(11) A partir des témoignages recueillis à Ardentes, G. Guégen-Dreyfus écrit : « Le soir arrive, les soldats font cuire, sur des feux de bois, les volailles dérobées un peu partout et vident les bouteilles volées. À la nuit, ils s'installent dans les maisons pour s'y reposer mais surtout pour s'y livrer à des actes de violence. Pendant ce temps, le commandement réquisitionne une dizaine de cultivateurs qui devront, le lendemain, transporter sur des charrettes à chevaux, l'important matériel qu'ils emportent. Quant aux otages, certains sont relâchés, les autres parqués dans une remise pour la nuit. »

(12) Le véhicule provenait du château de Nohant où venait de s'installer la compagnie F.T.P.F. n° 2206. Dans cette soirée du 31 août, les occupants cherchent à rejoindre Vierzon. Selon certaines sources, la victime n'était pas Glasser mais Louis Marcasse (cf. « Les F.T.P. de la Châtre. Le choc d'Ambrault. La mort du Lieutenant Leclerc », in Guéguen-Dreyfus Georgette, op. cit., p. 253- 257).

(13) La victime non identifiée est Georges Leclerc, alias lieutenant « Henri ». Il commande la compagnie F.T.P.F. 2206. Il aurait eu le temps de sauter de la voiture et de tuer un adjudant allemand avant d'être achevé par les soldats de la colonne allemande. C'est le sarrois Othon Galouské de la compagnie 2206 qui vient chercher le corps de Leclerc pour l'amener à La Châtre.

(14) Le jeune Victor Szezpiorski (ou Scizipolsky) était israélite.

(15) M. CHERAMY, maire socialiste (1947-1953), adjoint au maire (1945-1947). Sous l'occupation, le maire d'Ardentes était Alphonse Pinton, industriel, radical. (Note J.-L. Laubry.)

(16) René Prévost était maire d'Arçay en août 1943. (Note J.-L. Laubry.)

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