Le « Pays » de Berry
La République du Centre, 19 octobre 1940
Vincent Rotinat




Dimanche, les Berrichons ont pu retrouver à la radio l’écho de chants familiers et de voix connues.
Un remarquable reportage a fait revivre en effet, dans les vieux airs qu’ont popularisés les « Gars du Berry », et dans des causeries sur les paysages plus particulièrement évoca teurs de Nohant, de Gargilesse, de Valençay, notre province si caractéristique et restée si vivace.
C’est en puisant aux sources de son histoire des raisons d’espérer et de vouloir, qu’une nation dans le malheur peut regrouper ses fils et redresser leur énergie.
Il se peut que le retour aux organismes provinciaux soit, dans un système politique solidement hiérarchisé, un excellent moyen de décentralisation administrative !
Lorsque, en 1790, l’Assemblée Constituante remplaça les provinces par les départements, son but était uniquement de renforcer l’unité nationale. Cette unité étant désormais acquise et définitive, on peut chercher, en faisant revivre les Provinces, à susciter des énergies nouvelles et à organiser sur des bases anciennes, des pouvoirs régionaux plus compréhensifs des intérêts particuliers et immédiats des diverses contrées du pays.
Dans cette restauration, le Berry doit marquer sa place.
Si notre province n’a pas, comme d’autres, des limites précises et un caractère nettement tranché, c’est parce qu’elle s’est fondue plus tôt dans la communauté nationale et, à cet égard, sa situation en fait un saisissant raccourci des progrès successifs réalisés par la patrie au cours des siècles.
Elle n’en a d’ailleurs pas moins conservé sa vie propre ; « ses coutumes » furent parmi les premières écrites en France et demeurent, et le caractère de ses habitants a gardé ses traits originaux et distinctifs.
C’est sans doute à sa position centrale que le Berry a dû de ne point subir, au cours de l’histoire nationale, ces invasions fréquentes qui ont si profondément modifié la physionomie de plusieurs de nos provinces.
Ses limites, bien que mouvantes par suite des fluctuations des forces féodales, conservèrent toujours un caractère de fixité qui correspond à peu de choses près aux limites actuelles des départements du Cher et de l’Indre.
À l’Est, la lisière, solide, des bassins de l’Allier et de la Loire, constituée par des côtes de moyenne importance et bordant une des régions, en vignobles et en pâturages, les plus riches de France.
Bourges, capitale de la province, domine, de sa magnifique cathédrale, ces plaines opulentes.
À l’Ouest et du Sud [ sic], bordure montagneuse que n’ont jamais profondément entamée les empiétements des Seigneurs de la Marche et du Poitou.
C’est là qu’on trouve les paysages les plus accidentés et les plus pittoresques et c’est là que la Féodalité avait construit ses forteresses les plus redoutables : Fontgombault, Gargilesse, Crozant, Sainte-Sévère, Culan.

De tout temps, le Berry a été, et pas seulement au point de vue géographique, le cœur de la France.

Ce fut, contre les Anglais, l’ultime retraite de Charles VII, et l’on prétend que Louis XIV songea à se réfugier en Berry pour y défendre les derniers vestiges de sa royauté menacée par les armées étrangères.
Napoléon, lui-même, avait voulu faire de Bourges un formidable réduit militaire contre l’invasion possible de la patrie.
Projet qui ne se justifie pas seulement par la position centrale de notre province, mais par l’ardent patriotisme qui fut toujours au cœur de ses habitants.

C’est un fait que les Berrichons sont solidement enracinés et ne quittent pas facilement la terre natale. S’ils ont, au cours de ces dernières années, sacrifié à l’attrait des villes, ils restent fidèles au village qui les a vu naître, y reviennent et s’y fixent dès que se présente une occasion favorable.

Calmes et doux, lents et sûrs, les Berrichons ne s’attachent pas aisément, mais leur confiance donnée est solide comme est solide leur bon sens.

C’est pourquoi les m’as-tu vu de la politique n’ont jamais eu de prises dans la contrée et que les charlatans du journalisme n’ont jamais réussi à s’y faire prendre au sérieux.
Aujourd’hui comme hier, ils apportent leur collaboration totale au gouvernement du redressement français, sans qu’ils aient pour cela besoin d’un bourrage de crâne qui les irrite et les éloigne de l’œuvre à accomplir.

Nulle part on ne trouvera, au service de la cause nationale, plus de courage franc et loyal.

Dans les épreuves cruelles que nous traversons, le Berry doit rester le réduit des espérances françaises.