Habitation rurale
La République du Centre, 11 décembre 1940
Vincent Rotinat



Il faut louer sans réserve l’initiative que vient de prendre le Ministre de l’Agriculture de favoriser, par une aide substantielle de l’État, l’amélioration des habitations rurales.
Nous considérons en effet que c’est là une mesure essentielle ; la plus importante qui ait été prises jusque là en faveur des travailleurs de la terre et, à coup sûr, la plus efficace pour maintenir les familles paysannes à la campagne.
Le manque de confort et d’hygiène, et, dans bien des cas, l’état pitoyable des maisons d’habitation à la campagne était la première cause de l’exode rural. Ce l’était certainement pour les femmes et pour un très grand nombre de jeunes hommes, domestiques de fermes, qui abandonnaient la terre parce que trop mal logés.
On sait en effet qu’il n’y pas très longtemps encore, dans beaucoup d’exploitations agricoles, les domestiques couchaient à l’écurie.
À la maison, bien souvent, la situation n’est guère meilleure. Une pièce unique qui sert de tout, de cuisine et de chambre où s’entassent, deux, trois ou quatre lits, suivant l’importance de la famille. Que devient alors le nécessaire repos dans la joie et l’intimité.
Comment les jeunes ménagères pouvaient-elles satisfaire leur goût de l’ordre et ce besoin inné de coquetterie qui est le propre de toutes les femmes.
N’en doutons point, il y là une des causes de la désertion des campagnes.
À la vérité, depuis une vingtaine d’années, dans presque toutes les régions de France, de nombreuses et larges améliorations ont été apportées aux habitations rurales. On a construit des maisons plus spacieuses, à plusieurs pièces, l’électricité a pénétré à peu près partout.
Mais dans l’ensemble cet effort n’a pas répondu aux immenses besoins du Pays. Trop de logis de nos campagnes sont encore insalubres ou insuffisants.
Non point que les paysans, comme on l’a trop dit à tort, soient opposés au progrès, non point que le confort leur soit indifférent, mais dans la plupart des cas, ils n’ont point les moyens d’entreprendre des aménagements coûteux.
Les fermiers, les métayers, ne peuvent rien faire quand les propriétaires se désintéressent de la question du logement.
C’est à ces objections que répond de la façon la plus heureuse le projet du gouvernement.
L’État participe, par une avance importante qui pourra aller jusqu’à la moitié, aux frais d’aménagement.
Et bien mieux, par l’intermédiaire du Service du génie rural, il conseillera le cultivateur, il le guidera dans les travaux à entreprendre.
Excellente occasion au surplus de reprendre, dans bien des endroits, le style local en l’adaptant aux besoins des exploitations.
Qu’on ne s’imagine pas cependant que cette loi bienfaisante fasse, d’un coup de baguette magique, sortir des palais et qu’en quelques mois nos campagnes vont se fleurir de coquettes villas.
Il ne s’agit pas de cela.
Le travail de la terre a des exigences, et le logement du cultivateur, à proximité, dans certaines régions contigu, aux étables, aux écuries, doit répondre aux multiples et incessantes nécessités des soins à donner au bétail.
Ce qu’il faut, c’est que des maisons claires, spacieuses, propres, coquettes même, avec le plus de confort possible et des cours saines, remplacent les logis bas, sombres, exigus, sans hygiène. L’effet immédiat sera sans doute de retenir à la campagne, les paysans qui s’y trouveront aussi bien, mieux même, logés qu’en ville.
Mais la loi doit avoir d’autres conséquences heureuses.
Le préfet de l’Indre, qui depuis longtemps se préoccupe de cette question vitale pour l’avenir du pays, a dressé à ce sujet un remarquable rapport où le problème est exposé sous ses aspects les plus divers.
C’est ainsi qu’il souligne ce que pourraient avoir de bienfaisant pour les ouvriers des villes les travaux entrepris pour la réfection des habitations rurales. Outre qu’il y aura résorption du chômage, il doit y avoir aussi attrait de la campagne sur l’ouvrier citadin qui trop souvent ignore les joies du travail en plein air, les agréments de la vie de famille à la ville et au bourg.
Ce peut être le point de départ d’une extension de l’artisanat rural et aussi une certaine décentralisation du monde ouvrier. On le voit, cette loi doit être grosse de résultats d’une importance capitale pour le relèvement du pays ; c’est pourquoi il faut souhaiter que les propriétaires et les fermiers comprennent tout l’intérêt qu’ils ont à entreprendre dès à présent des travaux leur permettant de bénéficier des dispositions de la loi sur la restauration de l’Habitat Rural.