Condition du relèvement
La République de l’Indre, 24 août 1940

Vincent Rotinat





Nous avons dit que l’esprit de démagogie qui avait envahi tous les rouages de la vie politique devait tôt ou tard, mais infailliblement, mener le régime à sa perte et le pays à l’aventure.
Mais le désastre militaire qui, en quelques jours, a abattu une grande nation comme la France, a évidemment d’autres causes.
Des causes morales dont chaque Français est pour une part comptable mais dont l’écrasante responsabilité pèse sur les chefs qui, depuis 20 ans, et dans tous les domaines, politique, administratif, militaire, ont dirigé le pays.
Et des causes plus immédiates, professionnelles et techniques qu’énonce couramment l’homme de la rue, qu’il soit un démobilisé, un réfugié ou qu’il ait été simplement spectateur des scènes pitoyables de la déroute.
Je ne sais pas si le procès de Riom évoquera cette sorte de responsabilité ; mais ce qui est sûr, c’est que l’opinion ne permettra pas qu’elle soit éludée.
Seulement, il serait pour le moment désastreux qu’à cette occasion les Français, donnant libre cours à leurs facultés critiques et à leurs sympathies particulières, en revinssent aux discussions et aux divisions qui nous ont fait tant de mal.
Pour tous, une chose seule doit compter à cette heure : le relèvement de la France.
Laissons les magistrats de Riom, dans la sérénité de leur conscience instruire et juger le procès des responsabilités. C’est une tâche assez vaste, assez délicate et périlleuse pour que nous ne la troublions pas par l’écho de nos ressentiments ou de nos préférences ; assurés d’ailleurs que nous devons être que la vérité, tôt ou tard, se fera jour.
Il ne faut pas oublier que l’envahisseur nous regarde et que tout sujet de discorde lancé entre les Français serait un crime nouveau contre la patrie mutilée.
Au surplus, faire le procès des responsabilités de la guerre et de la défaite, c’est bien et c’est nécessaire ; mais ce ne sera pas suffisant pour relever le pays.
Il faut d’abord créer, dans l’opinion française et aussi dans l’opinion étrangère, l’état d’esprit favorable à l’œuvre du redressement et ne rien faire qui puisse, une fois de plus, amoindrir moralement la France.
S’imagine-t-on par exemple, que c’est servir notre cause que de charger, aux yeux de l’étranger, notre pays de toutes les erreurs et de toutes les fautes. Ça peut satisfaire quelques petites rancunes ou quelques petites jalousies d’amour-propre, mais quelle détestable besogne au point de vue national !
S’imagine-t-on aussi qu’il suffira de prendre systématiquement le contre-pied de tout ce qui se faisait hier pour que s’opère le relèvement de la France !
Des esprits superficiels ou intéressés le croient qui brûlent avec une ostentation révoltante ce qu’ils adoraient hier.
Illusions dangereuses que d’imaginer un hypothétique redressement par un retour de cinquante ans en arrière ou une copie servile d’institutions étrangères.
L’œuvre de reconstruction morale et civique exige plus de hauteur de vue et le génie de la France est assez riche pour qu’on y puise toutes les possibilités d’un redressement rapide et total.
L’action d’un gouvernement hardiment novateur ne sera constructive qu’autant qu’elle s’exercera dans un climat de concorde et de confiance.
Balayer tous les miasmes du doute et de la discorde ; imposer par les actes d’une autorité ferme et compréhensive, des nécessités du moment, la croyance en une France libre dont le relèvement ne sera que le fruit de nos communs efforts.
De même qu’il n’a pas suffi de répéter le slogan : « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts », pour mériter la victoire, de même il ne suffira pas de répéter que la jeunesse sauvera la France si l’on ne crée les conditions propres à cette sauvegarde.
Il faut en finir avec cet excès ou cette déformation de l’esprit critique, appuyé sur une presse trop souvent sans conscience, qui faisait de chaque Français un propagandiste plus zélé qu’éclairé, et qui nous conduisait, à propos de tout et de rien, à des discussions sans fin et à des luttes stériles.
Que l’œuvre du gouvernement s’impose par sa fermeté et par la clairvoyance patriotique de son action, qu’elle procède au rapprochement de tous les Français par l’effacement de toutes les causes et de tous les germes de discorde, qu’elle emporte l’adhésion des cœurs par sa générosité et son sens de la justice ; ainsi sera créée l’atmosphère de confiance où le courage, l’abnégation et le dévouement des Français auront vite refait la patrie grande et belle.