I. Le département de l'Indre libéré et réoccupé

(22 août -10 septembre 1944)

Réunis dans le Comité Départemental de Libération de l'Indre (C.D.L. ou C.L.D.), les principaux dirigeants de la résistance locale disposent durant cette période particulière d'un organe de presse : La Marseillaise du Berry. Quelques numéros de La Marseillaise avaient été imprimés dans la clandestinité mais le tirage n'avait pas dépassé les 3 000 exemplaires. À partir du 22 août, ce journal remplace Le Département et connaît une large diffusion, y compris lors du retour des Allemands, lorsque l'impression doit être réalisée avec des moyens limités, non plus à Châteauroux, mais à Aigurande. Pour la première fois, le C.D.L. apparaît au grand jour et s'adresse quasi quotidiennement à la population de l'Indre. Rédigés dans une période où les passions et les tensions atteignent leur paroxysme, les éditoriaux et des articles restituent les préoccupations et les ambitions de la résistance locale.

Le C.D.L. précise ses pouvoirs, ses projets immédiats et ses objectifs lointains. Ainsi assure-t-il provisoirement l'administration du département. Aux côtés du préfet, le C.D.L. entend également jouer un rôle durable dans la reconstruction du pays après sa libération effective. En outre, les dirigeants de la résistance éprouvent le besoin de répondre aux réactions et aux mouvements qu'ils sentent poindre dans l'opinion publique. Ces hommes nouveaux, jeunes, inconnus et pour beaucoup étrangers à la région, se retrouvent dès les premiers jours en position défensive.

Ils doivent rassurer la population et justifier leur action notamment dans le domaine de l'épuration. La résistance locale asseoit ainsi difficilement sa légitimité face aux différentes rumeurs et accusations qui circulent. Elle affirme sa volonté de constituer le pôle de rassemblement d'une nouvelle union nationale mais se heurte à un anticommunisme qui persiste non seulement au sein de la population mais aussi, semble-t-il, à l'intérieur même de la résistance.

o Éditorial paru dans Le Département, organe du Comité Départemental de Libération de l'Indre, mardi 22 août 1944, n° 183 et dans Le Journal d'Issoudun, bi-hebdomadaire, mercredi 23 août 1944, n° 66 (les deux journaux étaient imprimés à Châteauroux et appartenaient auparavant au « trust » Gaubert).

COMITÉ DÉPARTEMENTAL DE LIBÉRATION DE L'INDRE

PROCLAMATION
Après cinq années d'un terrible cauchemar, le sol de la patrie est libéré.

L'Indre ne connaîtra plus la souillure d'un ennemi qui a pillé nos villes et nos campagnes, assassiné nos fils, nos frères, meurtri la France.

Les misérables bandits qui sont responsables des meurtres d'Oradour, d'Argenton, de Tulle et de tant d'autres crimes vont être impitoyablement châtiés.

Leurs complices de la Gestapo, de la Milice, des bandes de Doriot seront exécutés.

Tous les traîtres vichyssois, fonctionnaires indignes, trafiquants du marché noir, collaborateurs avoués des Boches seront poursuivis et jugés par la justice française.

Le Comité Départemental de Libération, composé d'authentiques résistants, seul organisme reconnu par la gouvernement provisoire de la République, prend l'engagement solennel devant la population de l'Indre, de poursuivre tous les coupables et de leur appliquer une sanction en rapport avec leurs forfaits.

Le Comité de Libération, après avoir animé, dirigé la résistance dans l'Indre, a la charge d'administrer, en accord avec le gouvernement de la République, notre territoire.

Les comités de libération locaux qui sont sous son contrôle rempliront la même tâche dans leur commune.

Il maintiendra l'ordre, en accord avec l'organisation militaire avec laquelle il a toujours collaboré : les F.F.I. et les troupes alliées.

Il rappelle à la population, si heureuse d'être débarrassée de l'ennemi, que la condition essentielle de notre relèvement, de la reconstitution d'une France indépendante et forte, est qu'elle puisse travailler dans le calme.

La commission du ravitaillement qu'il a désignée veillera à ce que tous puissent avoir une nourriture suffisante, sans oublier que notre département qui a moins souffert que d'autres, doit penser aux populations des villes si malheureuses, dénuées de tout.

Aux côtés du préfet, désigné par le gouvernement, il assurera sa mission de contrôle, d'aide, il donnera les directives pour épurer l'administration préfectorale et locale, en particulier les services de police qui seront remis dans les mains des patriotes.

En attendant l'arrivée du préfet, le comité exécutif du C.L.D. prend en mains l'administration préfectorale.

Populations de Châteauroux, d'Issoudun, d'Argenton, de La Châtre, du Blanc, de l'Indre, vous avez gagné une première phase de la bataille ; le Boche est rejeté hors de notre département. La tâche n'est pas terminée ; il faut travailler avec la même ardeur et reconstruire dans l'ordre, le calme, une France nouvelle, débarrassée des parasites qui la grugeaient, une France forte, heureuse, qui prendra le rang qui lui revient parmi les grandes nations.

Berrichons, vous avez gagné la première victoire ! Le Comité de Libération vous appelle à gagner la seconde qui mènera la France vers un destin de Justice et de Liberté.

Gloire immortelle à nos F.F.I. et à notre armée d'Afrique.

Gloire à nos Alliés américains, anglais et soviétiques !

Tous derrière votre Comité de Libération qui représente le gouvernement de la République et son vaillant chef : de Gaulle.

Vive la France !

Le comité exécutif de Libération :

BEAUDIN, chef départemental des M.U.R. (3) ;

HENRIET, chef départemental du Front National (4) ;

SOULIE, représentant du Parti Communiste (5) ;

PARPAIS, représentant de la Fédération Socialiste (6) ;

APPERT, représentant de la C.G.T. (7).

o Éditorial paru dans La Marseillaise du Berry, organe du Comité Départemental de Libération de l'Indre, samedi 26 août 1944, n° 5.

Notre opinion

Que la justice suive son cours...
Formule tirée des instructions que nous venons de recevoir du commissaire de la République pour la région de Limoges (8).

Les instructions ajoutent que les traîtres seront mis dans l'impossibilité de nuire.

C'est exactement ce que nous avions pensé très précisément, ce que nous avons réalisé.

La justice ? Castelroussins, n'était-il pas naturel que nous internions provisoirement, en attendant les décisions du gouvernement provisoire de la République française, les fonctionnaires les plus responsables de Vichy ? Qui aurait admis que nous laissions libres MM. Jacquemart, Daumain et Rey (9). Qu'on se rassure, nous n'imiterons pas le régime Pétain - Laval. Nous ne voulons pas male mort à ces fonctionnaires qui n'ont pas compris leur devoir, à ceux qui ne nous ont jamais aidés.

M. Jacquemart est assurément malade. Les docteurs nous l'ont confirmé. Décision a été immédiatement prise de le transporter dans une clinique où il pourra voir sa compagne et être soigné. Il continuera, bien entendu, à être gardé. Qui objectera contre cette simple mesure d'humanité ?

Nous avons fusillé quelques traîtres. Nous auriez-vous pardonnés si nous ne l'avions fait ? Il y a les salopards pris au combat et qui appartiennent à la justice du maquis. Il y a les prisonniers allemands détenus par nos hommes. Ceux que nous avons exécutés à Châteauroux, à Neuvy-Saint-Sépulchre et à Issoudun, sont des traîtres avérés. Maintenant aucune exécution ne pourra avoir lieu sans autorisation des hommes les plus responsables : le Comité exécutif du C.L.D.

Il y a environ 250 arrestations. Sont-elles toutes justifiées ? La commission juridique du C.L.D. statuera. La commission juridique ? Ce sont les hommes de la prison de Limoges, ce sont Morève, Jallet, Julien (10), adjoints à notre commission d'épuration. Ce sont des hommes intègres, connus dans notre département. Ils sont absolument incapables d'une idée de revanche personnelle. Ils ont souffert. Ils ont été torturés. Ils nous sont revenus exsangues, physiquement diminués. Mais ils nous disaient tout à l'heure l'enthousiasme dont ils sont animés. Vous entendez mes amis, ils ont été arrétés le 30 mai. Ils ont subi les pires avanies. Ils sont cependant calmes, lucides, de plein sang-froid. Ils refusent de se reposer, ces hommes qui ont perdu dix ou quinze kilos en trois mois et qui portent sur leur figure les stigmates de la souffrance. Nous nous inclinons devant ces soldats, ces maquisards.

Cette commission juridique aura à charge de rendre à la liberté les gens qui ont commis des fautes bénignes. Quelques jours de réflexion ne leur auront pas fait de mal. La commission fera des propositions au C.L.D. dans les cas très graves. Les miliciens reconnus n'ont pas à compter sur notre générosité. Pas de faiblesse vis-à-vis d'eux. Notre magnanimité ne va pas jusqu'à pardonner à ceux qui envoyèrent nos frères au peloton d'exécution. Dans la majorité des cas des dossiers seront constitués et les accusés comparaîtront devant les tribunaux réguliers du gouvernement provisoire de la République.

Ils seront gardés dans des camps. Assurément pas ceux que nous avons connus sous la Troisième République, à Argelès, par exemple, où les malheureux Espagnols mouraient littéralement de faim. Nous ne voulons pas une réédition des camps de répression S.S. d'Allemagne où souffrirent des centaines de milliers d'êtres humains, du camp de Drancy où furent martyrisés les Juifs, des camps de concentration de Vichy où 300 000 Français furent martyrisés parce que patriotes. Les accusés seront nourris normalement. Ils auront tout le loisir de préparer leur défense. Nous sommes bien loin des méthodes nazies et vichyssoises.

Notre administration doit être une maison de verre comme le disait un de nos grands amis de la préfecture.

La répression de la IVe République est une mesure de salubrité. Nous sommes en état de siège. Il y a encore danger militaire. Le comité de salut public s'impose. L'état-major F.F.I. avec le C.L.D. seront le garant de la sécurité de la population de l'Indre.

Châtions sans faiblesse. Soyons humains et justes ! Que la justice suive son cours !

P.S. - Le Département traînait sous lui toute la boue de la collaboration avec le Boche. Aujourd'hui paraît La Marseillaise du Berry, organe officiel du Comité Départemental de Libération.

o Éditorial paru dans La Marseillaise du Berry, organe du Comité Départemental de Libération de l'Indre, mardi 29 août 1944, n° 7.

Notre opinion

La résistance...
Rien que la résistance...
D'abord une mise au point. L'article qui paraît chaque jour sous cette rubrique représente l'opinion du Comité de Libération départemental.

Son opinion collective et unanime.

On verra d'autre part que la nouvelle direction de La Marseillaise du Berry est composée uniquement de résistants, de camarades de combat : une équipe homogène, unie, solide.

Dans tous les postes responsables, aux manettes de direction, nous ne voulons que des nôtres, des Français authentiques, des résistants véritables, des patriotes convaincus.

Le commissaire de la République de notre région nous y convie et notre C.L.D. approuve avec enthousiasme.

Et ceci nous amène à préciser notre position vis-à-vis des poltrons, des ex-attentistes, des collaborateurs larvés qui, sans travailler directement pour le Boche, se sont prosternés à ses pieds, ont léché les bottes de la Wehrmacht.

On se souvient de la Légion des Combattants. C'est elle qui fut le rempart du gouvernement Pétain. Beaucoup de braves gens furent abusés au début qui démissionnèrent rapidement. Mais nombreux furent ceux qui persévèrent dans leur politique anti-française, qui restèrent de fervents admirateurs du Maréchal, alors que celui-ci avait Laval comme suppôt, alors qu'il laissait envahir la « zone libre » en se déshonorant définitivement comme soldat, alors qu'il créait les S.O.L. et la Milice. Certes, il n'entre pas dans nos vues de traiter sur pied d'égalité les légionnaires et les assassins de la Milice. Mais nous prions très gentiment MM. les membres remuants de la Légion, hier laudateurs du Maréchal, de mettre leurs activités en veilleuse, de se montrer discrets et de mettre une sourdine à leur enthousiasme.

Qu'ils tâchent de se faire oublier, qu'ils n'arborent pas le brassard à croix de Lorraine et s'abstiennent de crier plus fort que les autres lors de la montée des couleurs.

Ils nous comprendront bien.

Car vous chercheriez en vain dans Châteauroux et dans notre département un collaborateur et un ex-ami de Vichy. Je vous flanque mon billet qu'ils ont à leur fenêtre tous les drapeaux de nos alliés.

Ceux que nous avons appelé les résistants de la onzième heure ne réussiront pas à nous tromper.

Il est trop tard messieurs pour vous réhabiliter. Tous ces courageux qui ont attendu l'arrivée des F.F.I. à Châteauroux pour se déclarer ne sauraient prétendre devenir les dirigeants résolus et hardis de la France nouvelle. Notre confiance en eux est mitigée, nous le déclarons sans ambages.

Au reste, beaucoup d'entre eux s'ils ont le verbe haut ne dédaignent pas de continuer la campagne de bobards que nous avons maintes fois dénoncée. Ils veulent surtout saper notre union et ils cherchent des appuis. Qu'ils se disent que nous sommes très au courant et que la petite cochonnerie glissée à l'oreille parvient jusqu'à nous. On essaie çà et là de reprendre le vieil outil usé du nazisme, l'anti-communisme.

Nous ne nous laisserons pas faire.

Le maquis a gagné la victoire. Personne ne la lui arrachera. Aucune personnalité, aucun groupement ne réussira à nous troubler. Nous sommes solides et n'ayant pas tremblé contre les Boches, nous sommes bien incapables de nous laisser émouvoir par les petites manoeuvres souterraines de ceux qui voudraient nous ramener en arrière.

Avec de Gaulle, avec le maquis, avec la Résistance, nous allons en avant. Parfaitement lucides et pleinement résolus.

Nous regardons clair et droit devant nous.

Nous sommes la marche cadencée des bataillons de la France nouvelle.

o Avis à la population paru dans La Marseillaise du Berry, organe du Comité Départemental de Libération de l'Indre, mardi 29 août 1944, n° 7.

FORCES FRANCAISES

DE L'INTERIEUR
État-major de Châteauroux
CONSIGNES A LA POPULATION
Des bruits tendancieux circulant dans la population, le commandement rappelle que : - la population doit surtout, et quelles que soient les circonstances, garder le calme le plus absolu ;

- les colonnes allemandes circulant dans la région sont normales et entrent dans le cadre général du repli allemand vers l'Est ;

- si un danger immédiat menace la ville, les sirènes d'alerte sonneront d'une manière discontinue pendant deux minutes, alors qu'en cas de danger aérien, elles sonnent pendant une minute. Le signal de fin d'alerte, une minute, reste le même ;

- la population devra prendre les mesures normales de sécurité (descente à la cave, ne pas circuler dans les rues). La panique et le désordre éventuels seraient réprimés par des mesures militaires. Ne pas évacuer la ville ;

- les règles doivent être respectées de manière impérative.

Le chef du G.I.E. Le commandant [de place]

Robert [Robert Vollet, A.S.] Alex [Théogène Briant, F.T.P.]

o Éditorial paru dans La Marseillaise du Berry, organe du Comité Départemental de Libération de l'Indre, mercredi 30 août 1944, n° 8.

Castelroussins, Berrichons,

voulez-vous que nous fassions
connaissance ?
Nous l'avons dit hier, nous sommes une équipe homogène, unie, solide.

Nous appartenons aux partis les plus divers, aux horizons politiques les plus différents.

Le Comité Départemental de Libération a été soumis en son temps à l'approbation du gouvernement provisoire de la République. Il a sa confiance.

Il est composé de radicaux-socialistes connus :

Morève, maire de Mézières-en-Brenne, belle figure de notre département, hier encore enfermé dans les geôles de Limoges ; Gauvin de Levroux ; Thiébault, député-maire de Verdun ;

De démocrates-chrétiens comme Chevallier, professeur d'histoire au lycée de Châteauroux ;

De socialistes comme Parpais, un vieux Berrichon, depuis un quart de siècle sur la brèche, comme Legrosillière, député de la Martinique ;

D'éléments de résistance (M.U.R.) venant de « Libération », « Combat » : comme Baudin de Toulouse, Nordin de Limoges ;

De personnalités représentant le Front National comme Henriet, un Parisien de vieille souche, Léon, un Périgourdin ;

De communistes comme Soulié, Julien.

La majorité n'appartient à personne.

Elle appartient à la Résistance groupée sous la seule étiquette : France ; ne connaissant qu'un seul gouvernement : le gouvernement provisoire de la République ; un chef : de Gaulle.

Avons-nous besoin d'ajouter qu'une place importante est dévolue dans notre Comité à la C.G.T. ? Que dans les commissions de travail, elle est représentée partout. Que l'Union des Femmes est présente dans la commission du ravitaillement, de la presse. Car dans la France de demain, les femmes joueront le rôle qui leur revient. Ce sont elles qui créent la vie, ont la charge des enfants, dirigent le budget familial. Questions sur lesquelles nous reviendrons un autre jour longuement. Qu'elles sachent seulement, ces admirables mères, ces jeunes filles françaises, que nous ne les oublions pas et que leur voix sera entendue.

Le Comité de Libération Départemental n'est pas le conglomérat savamment dosé des anciens partis politiques. Qu'on nous excuse, les nuances subtiles nous échappent. Le C.L.D. représente la vraie figure de la France au combat, de la France au travail.

Nous ne sommes pas tous Berrichons. C'est vrai. Parce que la Résistance a été au premier chef une question naturelle, parce que nous avons travaillé pour la Patrie, pour libérer son sol, nous avons agi là où le destin nous a placés. Pensez-vous, mes amis, que les gars du maquis qui sont encore au baroud et qui le seront demain encore soient tous Berrichons ? Nous voudrions que vous visitiez une de nos compagnies A.S. ou F.T.P. Vous y trouveriez là des Parisiens, des Limousins, des Marseillais. Toute la France est là. Cependant, tous ces camarades, tous nos gars du maquis défendent Le Blanc, Levroux, Valençay, la Brenne, toute la terre berrichonne. Avec le fusil-mitrailleur à la main, en position avec la grenade, il compte peu que le combattant soit Berrichon ou non : c'est la France toute entière soulevée qui se dresse contre l'envahisseur. Surcouf, Roland, Alex, Robert d'où êtes-vous, mes chers camarades ? Surcouf de Metz, Roland de Paris, Alex du Berry, Robert du Nord.

Il en est de même dans le Comité Départemental. D'aucuns condamnés à mort à Paris, se sont repliés ici pour combattre, ils n'ont pas vu leur famille depuis cinq ans ; tel organise depuis trois ans la résistance dans l'Indre : c'est le cas de Beaudin, notre cher président, notre chef que nous aimons dans sa simplicité et sa modestie vraiment admirables.

Les gars du Maquis, Berrichons ou non, ont gagné leurs galons dans la défense de l'Indre. Voilà nos titres. Ce sont les seuls que nous revendiquions.

Nous avons acquis droit de cité par les armes, par la lutte contre la Gestapo et la Milice.

Nous avons appris tous à nous estimer, à nous aimer.

Voilà ce que nous sommes.

o Éditorial paru dans La Marseillaise du Berry, organe du Comité Départemental de Libération de l'Indre, vendredi 1er septembre 1944, n° 9 (imprimé à Aigurande).

Les Allemands se sauvent

mais ne s'échapperont pas
Le Berry est devenu un champ de bataille. Les troupes allemandes de passage sont sur notre territoire. Elles occupent malheureusement Châteauroux qui se trouve sur leur itinéraire. Les vaillants F.F.I. de l'Indre luttent avec courage et harcèlent constamment l'ennemi en retraite. Ce sont là les derniers vestiges d'une armée en pleine déroute et qui sont voués à un anéantissement total et très proche.

La population a gardé son calme. Chacun comprend son devoir patriotique à la place qu'il occupe. Il importe de se méfier des provocateurs, amis de la cinquième colonne, heureux, on s'en doute, de créer des incidents qui voueront la population aux pires représailles.

Les organisations de la Résistance (comité départemental et comités locaux) continuent leur travail et sont à leur poste de combat.

La France toute entière est sur le point d'être libérée et les passages du Berry ne constituent qu'un des derniers épisodes de la débâcle allemande. La victoire finale n'a jamais été aussi proche. En alliant le courage et le sacrifice de nos maquisards, à nos forces de l'organisation de la Résistance, et au sang-froid de la population berrichonne, nous hâterons l'heure de libération définitive, cette fois, du département tout entier.

o Éditorial paru dans La Marseillaise du Berry, organe du Comité Départemental de Libération de l'Indre, lundi 4 septembre 1944, n° 10 (imprimé à Aigurande).

Notre opinion

L'ÉPURATION
condition préalable...
Pour notre relèvement, une condition préalable : l'épuration.

Dès la libération, nos populations berrichonnes ont compris qu'elles se devaient, avec les comités de libération, de participer aux opérations de nettoyage qui s'imposaient.

Les arrestations de miliciens, de membres de la Gestapo, et du parti de Doriot, furent des mesures de salut public.

Partout où ils se cachent nous les dénicherons.

Quelques-uns, restés à Châteauroux, nous font, à l'heure actuelle, beaucoup de mal.

Ils sont d'implacables ennemis.

Pour eux, pas de pardon, pas de pitié.

Mais notre pays ne sera pas épuré par la fusillade des traîtres reconnus, par la tonsure de quelques garces qui ont « fréquenté le Boche».

L'ennemi est chez nous.

Nous devons le poursuivre à boulets rouges.

L'hitlérisme est encore vivant et sa liquidation est une tâche à laquelle nous devons nous employer avec énergie.

La Résistance, le maquis ont mobilisé des centaines de milliers d'hommes pour battre les armées hitlériennes, libérer la Patrie.

Résistance et maquis mobiliseront toutes les énergies françaises pour liquider l'hitlérisme et ses adeptes.

L'épuration doit se faire dans tous les domaines.

Nous démasquerons les collaborateurs d'hier et les punirons à la mesure de leur délit. Nous soumettrons au filtre de l'épuration républicaine tous ceux qui sciemment ont prêté main forte à Vichy, c'est-à-dire au Boche.

Examinons donc le cas des affairistes qui ont courageusement misé sur les deux tableaux et se sont ralliés in extremis. Des fonctionnaires qui ont accepté, encouragé, défendu le régime de Pétain-Laval.

Bien loin de nous, de rejeter des rangs de la nation française ceux qui se sont trompés sincèrement, ceux qui n'ont tiré aucun bénéfice moral ou pécunier [sic] de l'occupation. Ces attentistes auront tout le loisir de se réhabiliter, en travaillant avec nous, à la recontruction de la France nouvelle. Et nous vous assurons que tout compte fait, les coupables ne sont qu'une toute petite minorité.

Mais le peuple de France, ne comprendrait pas que nous laissions aux postes de confiance les fonctionnaires, policiers, conseillers municipaux, qui, sous prétexte de prudence, de je ne sais quelle sagesse, se sont soumis à l'envahisseur, et ont, de toute évidence, fait le jeu de l'ennemi.

Dans le centre de la France se livrent toujours de sanglants combats. Nous avons à Châteauroux l'exemple du retour de l'envahisseur, avec son cortège de cruautés. Nous avons acquis la certitude que les gens oubliés par notre première épuration, que ceux à qui nous aurions été tentés de pardonner, n'ont, eux, rien oublié, et ne pardonnent pas. Il dénoncent, aident le pillage. Juste leçon.

Qu'on ne compte pas sur nous pour éviter le châtiment suprême, aux salopards qui conduisent encore les Français à la mort, qu'on ne compte pas sur nous pour délivrer des certificats de bonne conduite à ceux qui ont servi Vichy pendant quatre ans, se faisant les instruments du nazisme.

Précisons encore. La commission juridique et d'épuration du C.L.D. préparera les dossiers, instruira les affaires ; elle les passera au comité de sécurité départemental, pouvoir exécutif, nommé, en accord avec l'état-major F.F.I. de la 5e région, et qui se compose de représentants F.F.I. et de représentants du C.L.D., de juristes. C'est le comité de sécurité qui jugera en dernier ressort (11).

Nous sommes encore au combat. Nos vies sont engagées. Nos gars du maquis sont au feu. Jurons tous ensemble que nous ne nous séparerons pas avant que justice soit faite pour que vive la France.

o Article paru dans La Marseillaise du Berry, organe du Comité Départemental de Libération de l'Indre, lundi 4 septembre 1944, n° 10 (imprimé à Aigurande).

10 000 F.F.I. au combat

... dans l'Indre
et les zones limitrophes
Châteauroux a été évacuée par les F.F.I. dans les conditions que l'on sait. Il fallait éviter à tout prix de donner un prétexte aux Boches de mettre la ville à feu et à sang : dix divisions, dont quelques-unes étaient blindées, fuyant éperdument, forçant le passage à l'ouest [sic], montaient sur Châteauroux. Il eût donc été criminel de livrer un combat inégal dans la ville, combat qui eût placé la population civile dans une situation catastrophique.

L'état-major F.F.I. départemental, en accord avec l'état-major interallié, a donc fait évacuer Châteauroux et livre d'incessantes guérillas sur le passage des troupes ennemies.

Depuis Le Blanc jusqu'au Cher, sur un front immense, près de 10 000 maquisards font le coup de feu. Ceux de la Creuse sont montés.

Ceux de la Corrèze montent. La garde de Limoges prend position. Tous au combat. Certaines de nos unités cernées luttent jusqu'à la mort et mettent le Boche en échec.

Nous ne pouvons pour des raisons que l'on comprendra donner aujourd'hui des détails sur la lutte qui se poursuit sans répit. Les pertes sont lourdes, très lourdes. Mais, nous infligeons à l'ennemi des pertes dix fois supérieures. Plusieurs officiers sont tombés. Nous nous inclinons devant ces héroïques camarades.

L'ennemi, qui a stationné à Châteauroux des Hindous et des Géorgiens, s'est livré à de terribles exactions. Il a fait sauter l'immeuble du « Département », celui de la Milice, il a pillé çà et là. Dans plusieurs localités, ces ignobles brutes ont violé des femmes, des jeunes filles. Ils auront à répondre de leurs forfaits.

La canaille hitlérienne ne nous reprochait-elle pas nos soldats noirs cependant irréprochables pour laisser les Hindous commettre d'affreux crimes ! Le préjugé racial ne joue pas quand il s'agit de piller et d'assassiner les Français.

Les gestes d'héroïsme sont innombrables, nous ne pouvons les révéler maintenant. Certains ont cependant déjà acquis un droit à notre reconnaissance ; par leur sang-froid et leur courage indomptable, ils ont sauvé Châteauroux et ses environs.

La lutte tire à sa fin. Il faut tenir coûte que coûte.

On les aura les Boches.