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Les rapports de la Direction
des Affaires allemandes
(Préfecture de l'Indre)

Présentation
Alain Giévis
avec le concours de
Jean-Louis Laubry

Le 11 novembre 1942, dans le cadre de l'opération « Anton », la Wehrmacht pénétrait en zone sud. En principe, les conventions de l'armistice restaient en vigueur et les départements de cette zone sud étaient toujours considérés comme « zone non occupée ». La souveraineté de l'État Français serait, dans les faits, de plus en plus soumise aux exigences de l'occupant allemand ; l'administration française n'avait guère la possibilité de refuser. Si les principales demandes allemandes sont connues du grand public, en revanche, les multiples requêtes quotidiennes, les prétentions et les sollicitations constantes des troupes dites d'opérations auprès de l'administration française, sont en partie ignorées.

À la préfecture de l'Indre devait se mettre en place une section des affaires allemandes et des réquisitions. Des rapports étaient régulièrement rédigés et adressés au préfet, tenant au courant ce dernier des besoins des Allemands ; ces informations figuraient ensuite dans le rapport de synthèse du préfet et, donc, parvenaient à Vichy.

Une partie de ces rapports sont conservés aux archives départementales de l'Indre (773 W 74, relations franco-allemandes) ; mais il nous manque les mois de juin et de juillet 1944 ; fort heureusement, la vigilance de M. Dejoie a permis de retrouver la trace des rapports de l'été 1944.

Il est manifeste qu'il s'agit de rapports convenus et de circonstance, au style totalement impersonnel ; l'aménité du ton à l'égard des occupants peut même surprendre. En essayant de faire abstraction de ces griefs, il sera loisible de découvrir, à la lecture de ces rapports, que la présence allemande n'était pas seulement une simple question d'affrontements avec les forces de la Résistance et que les populations du département de l'Indre eurent à subir de multiples tracas et brimades afin de satisfaire les exigences de l'Armée allemande. Comme pour tous les documents de ce volume, Jean-Louis Laubry a assuré la partie notes biographiques.
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Préfecture de l'Indre

Section des Affaires allemandes

et

services des réquisitions

Châteauroux, le 28 juin 1944

Rapport mensuel

N°... /D.

1. Réquisitions

a. Réquisitions d'immeubles et de locaux

Ces réquisitions demandées en général par notes écrites du V.S. [Verbindungstab : état-major de liaison] ont porté dans le courant du mois de Juin sur les immeubles suivants :

- immeuble, I0, rue Bertrand ;

- immeuble, rue de la poste.

L'hôtel Voltaire, libéré à la suite de l'emménagement des services de l'état-major de liaison allemand à l'hôtel du Faisan, a été à nouveau partiellement occupé par les services allemands de la Gare et la réquisition n'a été demandée qu'après coup.

La propriétaire de l'hôtel Bonnet libéré au même moment signale d'autre part que son immeuble a également été réoccupé, sans ordre de réquisition.

b. Réquisitions de garages

Il avait été obtenu que le garage Voltaire anciennement occupé par les véhicules du V.S. soit libéré au profit de la gendarmerie française. Ce garage n'est pas encore complètement libre à l'heure actuelle, malgré la promesse qui avait été faite au début du mois de juin.

Le garage du Faisan qui devait être réquisitionné au profit du V.S. en compensation du garage Voltaire fut abandonné plusieurs fois dans le courant du mois, pour être redemandé de façon plus que pressante ces jours derniers et occupé presque immédiatement.

Le garage S.A.G.A.M.I. réquisitionnné au moment du bombardement de La Martinerie n'avait pas encore été libéré malgré les nombreuses démarches entreprises et les promesses qui avaient été faites. Cette libération vient enfin d'être effective.

Le garage Bonnet vient également d'être libéré.

Le garage Jablin (Garage du Centre) réquisitionné au profit de la colonne allemande (1) est actuellement inoccupé, mais la levée de réquisition n'a pu être obtenue. Le V.S. a toutefois autorisé à y garer les véhicules expulsés du Faisan à condition que l'accès au public ne soit pas autorisé.

c. Réquisition Guillon

Le matériel Guillon relogé dans les locaux de l'usine de la S.N.C.A.S.O. à Ardentes, à la suite de la réquisition de l'usine de Bitray, avait été exposé aux intempéries et garé dans la cour à la suite de la reprise du travail dans cette usine. Il n'avait pu être évacué, faute de moyens de transports. Ces moyens ont enfin été mis à la disposition de M. Guillon à la fin du mois de mai, et son matériel a pu être dirigé sur Villedieu où il a été garé dans l'ancienne usine primitivement occupée par le 8e Cuirassier (2).

d. Réquisition des champignonnières de Loches

Bien que cette réquisition ait été ordonnée par le Commandant du Territoire d'Armées du Sud de la France, il a été obtenu que les souterrains qui relient les grottes à la ville ne soient pas utilisés par les autorités allemandes qui désirent utiliser ces grottes comme dépôt de munitions.

e. Réquisition du Camp de Neuvy-Pailloux

Ces réquisitions prononcées au profit d'une unité technique nouvellement arrivée n'ont pas été faites dans les formes habituelles. Toutefois, après de multiples conférences, l'ambiance avec les autorités de cette unité est devenue très courtoise. Il a été fait remarquer que le cantonnement d'une centaine d'ouvriers français était impossible aussi bien à Neuvy-Pailloux qu'à Châteauroux, et l'accord a pu être conclu de les faire loger à Issoudun. D'autre part, il a du être pourvu au logement de quatre officiers et de trois aides d'état-major. En conséquence, le service a du fournir sept chambres à coucher complètes avec accessoires.

2. Prestations de main-d'oeuvre

a. Martinerie

Sur demande du V.S., ces prestations durent être reprises le 30 mai pour une nouvelle période de quatre jours, malgré les promesses qui avaient été faites. L'inspecteur du travail fut chargé de l'exécution d'un nouveau plan de réquisitions collectives pour donner satisfaction à cette nouvelle demande allemande.

b. Prestation de tombereaux

Les prestations de tombereaux avaient d'abord été réduites puis interrompues pendant quelque temps, à la suite des nombreuses interventions faites auprès des autorités compétentes.

Elles durent toutefois être reprises pour une période indéterminée, après cette interruption qui dura environ huit jours.

c. Règlement des prestations

Les autorités de l'aviation allemande ont enfin procédé au remboursement des frais entraînés par les prestations de main-d'oeuvre et ont envoyé plusieurs chèques se montant environ à un total de un milion.

d. Monnaie-matière

La question du remboursement de la monnaie-matière avancée par plusieurs entreprises au moment de l'acquisition de plusieurs centaines d'outils destinés aux requis, qui était restée en litige jusqu'à présent, vient également d'être enfin réglée par les soins du préfet de Lyon chargé de la S.C.A.M. qui a fait parvenir les bons matières nécessaires.

e. Prestation au profit de l'O.P.A. [Office de placement allemand]

L'O.P.A ayant demandé une vingtaine de femmes le 20 juin, pour le lendemain à 8 heures, le maire de Châteauroux (3) fut chargé de donner satisfaction à cette demande. Sur refus de sa part (il invoqua l'heure tardive), cette réquisition fut faite par les soins du service et le personnel demandé se trouva présent à l'heure dite.

f. Equipes de déblaiement

Le V.S. ayant demandé à la préfecture de prévoir la constitution de deux équipes de 500 hommes destinés aux travaux de déblaiement en cas de bombardement, il a été convenu de satisfaire cette demande en fournissant les listes déjà établies par les services de la Reconstruction Immobilière (équipes de secours technique) qui se montaient à un total de 250 hommes et de les doubler par des listes fournies par le service, en se basant sur le fichier des requis et en prenant soin de ne pas prendre du personnel déjà désigné. On parvint ainsi au total de 500 hommes, alors qu'il en avait été demandé 1000 et l'accord fut conclu sur cette base.

3. Circulation automobile

a. Restriction de la circulation

Une intervention fut tentée auprès des autorités locales pour savoir quelles seraient les suites qui seraient données après le communiqué radiophonique de la préfecture régionale de Limoges prescrivant l'interdiction totale de circuler. Le V.S. fit savoir qu'il n'avait reçu aucun ordre, plusieurs conférences eurent lieu pour solutionner cette question et aboutirent à l'accord suivant : les permis de circuler français devraient être doublés par une autorisation spéciale de circuler qui serait délivrée par le V.S.

Cette solution resta en vigueur jusqu'au 22 juin, date à laquelle le V.S. fit savoir que toutes les autorisations qui avaient été accordées étaient annulées par ordre supérieur et que désormais, les autorités de Limoges seraient seules compétentes pour délivrer des laissez-passer d'un format nouveau, par l'intermédiaire du service du roulage allemand. En attendant l'entrée en application du nouveau système, les véhicules ont jusqu'à ce jour continué à circuler librement.

b. Contrôle des véhicules bloqués

Sur demande de l'inspecteur de service du roulage, tous les véhicules bloqués furent convoqués pour le 30 mai, date à laquelle devait avoir lieu une opération générale de contrôle.

4. Arrestations

La police allemande et les autres services compétents ont procédé dans le courant du mois à 74 arrestations.

Ces arrestations ont été motivées généralement par des questions personnelles ou des questions de résistance à main armée. Plusieurs d'entre elles ont touché quelques notabilités de la ville qui ont été arrêtées sous l'inculpation d'organisation clandestine de résistance (4).

5. Ambiance générale

a. Mesure de défense

À la suite des événements militaires du mois de juin, les autorités allemandes locales ont pris un certain nombre de mesures de défense consistant en l'établissement de barrages et de nids de mitrailleuses. L'interdiction totale de circuler ne fut pas envisagée, le couvre-feu fut toutefois porté à 21 heures pendant une quinzaine de jours, puis reporté à 22 h 30.

b. Départ du colonel Schramm (5)

Il est intéressant de noter une très nette détente avec le service de l'aviation allemande après le départ du colonel Schramm, commandant de la base, et de remarquer que les prestations de main-d'oeuvre ont été totalement interrompues depuis ce départ.

c. Opérations de maintien de l'ordre

Ces opérations effectuées dans tout le département par une colonne venue spécialement à cet effet ont été très violentes dans tous les environs. Les relations locales avec le colonel (6), commandant cette colonne, sont toutefois restées correctes et le colonel a prié les autorités françaises de prendre les mesures nécessaires pour faire rentrer dans leurs familles les jeunes gens égarés. Le colonel a fait savoir qu'il ne considérait pas ces actes comme des actes de banditisme, mais plutôt comme des enfantillages.

La bonne marche des opérations de répression ne pouvait toutefois pas lui permettre d'avoir un égard quelconque envers les intéressés et la population lorsque des rencontres avaient lieu. En conséquence, il était de l'intérêt français d'aider les autorités allemandes à les faire cesser au plus vite.

d. Retour du commandant Müller (7)

Ce dernier a repris ses fonctions après une très longue absence et les relations avec ses services sont restées très correctes comme auparavant.

[Signature illisible]

***

JP/RR.

Préfecture de l'Indre

Section des Affaires allemandes

et

services des réquisitions

Châteauroux, le 29 juillet 1944

Rapport mensuel

N°3711 /D.

1. Réquisitions

a. Immeubles

La Chambre d'Agriculture affectée à divers services français a dû être mise à la disposition du Verbindungsstab. Les trois services français ont pu être relogés ailleurs.

La ferme de La Pyramide à Heugnes dont l'occupant avait cru devoir abandonner sa propriété a été requise sans avis préalable.

Le 11, de la rue des Belges à Châteauroux, vient d'être affecté à l'Oberregierungsrat Brennenkämper (8), directeur de l'O.P.A.

b. Hôtels

L'hôtel Voltaire, qui avait été libéré en grande partie, a de nouveau été réquisitionné entièrement, ainsi que l'hôtel Bonnet.

L'hôtel de la Gare a de même été affecté à la commission de contrôle (9) repliée de Limoges.

c. Garages

Le garage du Faisan primitivement destiné à la gendarmerie française a été occupé à la suite d'un accord tacite avec le directeur par le Verbindungsstab. Les véhicules et les ateliers de la gendarmerie sont ainsi sans abri.

Le garage Voltaire qui devait être libéré ne l'a pas été.

d. Affaire Guillon

Une partie du matériel de l'usine Guillon, notamment des batteuses, se trouve exposée aux intempéries dans la cour de l'usine d'Ardentes ; par suite de la pénurie de transports, il ne pourra vraisemblablement pas être transporté à Villedieu.

e. Colonne hippomobile

Dans le but d'économiser du carburant, l'Autorité allemande (docteur Petersen [10]) s'est préoccupée de mettre sur pied une colonne hippomobile. Dans ce but, la réquisition (blocage) de quinze attelages avec véhicules a été prononcée. Il s'agit de chevaux qui ne sont pas absolument indispensables à l'agriculture et au ravitaillement.

D'autre part, les chevaux du Groupement 34 des Chantiers de la Jeunesse à Mézières-en-Brenne seront regroupés à Châteauroux pour rentrer dans la constitution d'un groupe auxiliaire de transports, contrôlé et administré par régie hippomobile. Le personnel nécessaire est fourni par le détachement des jeunes du secteur bleu, destiné primitivement à la garde des voies ferrées et des lignes à haute tension dont le lieu de stationnement est précisément Châteauroux. Ces jeunes qui devaient primitivement se rendre à Mâcon n'ont pu le faire, par suite de la carence des transports, et étaient employés jusqu'à présent à divers travaux d'intérêt général. Les véhicules, qui proviennent également des Chantiers de Mézières, et les chevaux seront cantonnés à la Caserne des Gardes.

f. Bicyclettes

En vue de permettre la circulation des patrouilles de sûreté dans les environs immédiats de Châteauroux, le V.S. 990 demande le prêt de 150 bicyclettes.

Une prospection est réalisée par la police et la gendarmerie parmi les vélos circulant en ville. 146 vélos sont ainsi présentés à l'unité allemande qui en retient d'abord une centaine, puis en rend encore un certain nombre à deux reprises différentes.

Il est manifeste devant l'état des bicyclettes rendues que l'unité allemande a prélevé ce qu'il y avait de bon sur une partie de ces vélos pour en équiper environ une cinquantaine.

Aussi, parmi les engins récupérés, la plus grande partie est désormais inutilisable ; il n'existe qu'un moyen du côté français pour dédommager les propriétaires. Nous nous bornerons à constituer des dossiers « dommages » qui, sans engager la responsabilité de l'État Français, préserveront néanmoins les droits des prestataires.

À La Châtre et dans les environs, des réquisitions du même genre ont été imposées ; toutefois, dans ces lieux c'est l'autorité allemande elle-même qui a procédé à l'opération.

Les vélos ne seront pas rendus du fait du départ de l'unité allemande, mais, très vraisemblablement, ils seront payés.

g. Divers

Des tranchées ont été creusées, rue de la Vallée et dans le parc de la Manufacture de confection, place de la Gare.

Les réquisitions de tombereaux n'ont pas atteint le rythme des mois précédents.

2. Prestations de main-d'oeuvre

L'Autorité allemande a cru devoir donner au texte, autorisant le préfet à procéder aux réquisitions de main-d'oeuvre nécessaire à la satisfaction des besoins allemands, une extension incompatible tant avec l'esprit de la loi, qu'avec l'intérêt français.

C'est ainsi que successivement La Martinerie exige à nouveau : cent hommes pendant quatre jours ; que la commission de contrôle en demande dix pendant deux jours ; la H.U.V. dix également pour des travaux d'assez longue durée ; l'unité allemande de Heugnes quarante spécialistes pendant trois semaines.

Une nouvelle demande de la H.U.V. concernant une dizaine de maçons est refusée et les termes invoqués pour justifier ce refus ne sont pas réfutés par l'Autorité allemande ; il semble que, devant notre attitude ferme, l'autorité allemande n'ait pas voulu passer outre et qu'elle ait compris le sens dans lequel il convient d'interpréter la loi.

3. Circulation

a. L'Autorité allemande a fait connaître que la circulation des voitures à essence devait être supprimée ; il semble que l'application de cette mesure générale pourra néanmoins donner lieu à interprétation.

b. Saisie de véhicules

Le V.S. 990 a décidé de procéder lui-même à la réquisition des véhicules qui lui sont nécessaires : le fait s'est notamment produit à Issoudun et à Châteauroux, où un camion sortant d'usine et destiné à assurer le ravitaillement de Paris en viande a été pris par l'unité allemande de Neuvy-Pailloux, sans qu'aucune décharge n'ait été donnée au garagiste chargé de la construction de la carrosserie.

c. Véhicules de tourisme

La disparition du parc de taxis a créé une gêne considérable pour la satisfaction des besoins allemands en véhicules de tourisme. Il a été nécessaire d'agir avec une certaine rudesse sur les propriétaires de touristes [sic] autorisés à circuler, et il a même fallu procéder à la remise en état de véhicules de ce type qui n'avaient pas roulé depuis longtemps, afin d'arriver à obtenir le chiffre imposé.

4. Pylônes de transport de force

Les pylônes de la ligne Éguzon-Chaigny-Temac seront minés par une unité allemande spécialisée. Pour éviter que la population ne court de danger, le périmètre miné sera entouré d'une barricade.

Les communes sont chargées de confectionner les piquets nécessaires ; nous prenons à notre compte la fourniture du fil de fer et des pancartes.

De graves inconvénients résulteraient d'une action éventuelle du maquis s'opposant à ces travaux de protection ; certains maires ont déjà signalé l'intervention des forces de la dissidence qui sont allées dans un village jusqu'à s'emparer des piquets préparés pour la clôture.

5. Police

a. Arrestations

Une vingtaine d'arrestations ont été prononcées au cours du mois ; il s'agit généralement de complicité avec le maquis ou de détention d'armes.

b. Propagande

Un paquet de fiches nous avait été remis par le V.S. Il s'agissait de prospectus invitant les « jeunes égarés du maquis » à rejoindre le bercail sans tarder, moyennant quoi l'oubli serait fait sur leurs errements antérieurs. Puis brusquement, et avant même que ces tracts ne soient diffusés, nous fûmes invités à restituer le paquet. Il semble donc que l'autorité allemande ait définitivement abandonné l'espoir d'amener à composition les troupes de la dissidence.

c. Colonne de répression

Des opérations sont entreprises journellement dans les différents secteurs du département où stationne le maquis.

6. Travaux - Matériel

La seule difficulté sérieuse rencontrée dans ce domaine provient de la mauvaise volonté apportée par la H.U.V. à nous fournir la contrepartie monnaie-matière, tant pour les travaux que pour les fournitures de matériel.

Tout spécialement pour l'ameublement et la literie, la monnaie-matière nécessaire devrait être fournie préalablement à toute livraison, sur demande transmise aux autorités supérieures allemandes, sous couvert des services des industries du bois ; le processus est long, les demandes allemandes doivent être satisfaites sans tarder.

Le hiatus est flagrant, nous ne pouvons pas le combler et nous sommes contraints d'user d'artifice.

En outre, de multiples demandes concernant du matériel divers, tel que pointes, serrures, outillages, nous parviennent de la H.U.V. Il s'agit en principe de travaux de réparations aux casernements ; nous ne pouvons pas le contrôler, mais nous constatons que le volume des travaux demandé à la Chefferie n'en est pas diminué pour autant ; il ne peut donc s'agir que de travaux n'intéressant pas le cantonnement.

7. Mesures de garde

Le paiement des ouvriers chômeurs requis pour la garde des voies ferrées a donné lieu à des incidents.

Ces ouvriers se sont plaints de ce qu'ils n'étaient pas payés régulièrement : une conférence s'est tenue dans le cabinet de M. le préfet à laquelle assistaient le trésorier-payeur général, le maire de Châteauroux, le receveur municipal, le commandant Rivalta, l'inspecteur du travail et le capitaine Paoli.

Après avoir envisagé les diverses solutions possibles, propres à hâter le paiement et faisant droit aux observations présentées par le trésorier-payeur général, relatives à l'inopportunité de la création d'un régisseur d'avances, il fut décidé que chacun des services intéressés apporterait la plus grande diligence dans l'accomplissement des formalités indispensables.

Le délai normal qui doit s'écouler entre la fin d'une période de garde et la date du paiement effectif peut très bien ne pas excéder cinq jours, à condition que la mairie fournisse les états dans les 48 heures, et que l'acheminement des mêmes états à travers les différents bureaux s'effectue par voie d'express et non par la poste ; d'autres part, la recette municipale doit faire bénéficier ce genre de paiement de la priorité nécessaire.

8. Ambiance générale

La commission de contrôle repliée de Limoges s'est installée à Châteauroux ainsi que la Section Française de Liaison qui lui est attachée.

Le colonel Wiest (11) a pris le commandement du Verbindungsstab et a donné l'impression d'un homme compréhensif avec lequel les bons rapports jusqu'ici entretenus avec le commandant Müller pourront certainement se perpétuer.

Malgré les incidents dus à la présence du maquis dans le département, aucun changement notable n'est à signaler dans l'ambiance des relations toujours courtoises entretenues avec les diverses autorités allemandes.

[Signature illisible]


NOTES

(1) Une colonne de répression allemande est arrivée les 8 et 9 juin à Châteauroux en provenance de Poitiers.

(2) Le 8e Régiment de Cuirassiers résidait dans la région de Châteauroux avant la dissolution de l'armée d'armistice.

(3) Maire de Châteauroux ; membre du Conseil départemental de l'Indre, Émile Daumain, né le 23/07/1881, termine sa carrière professionnelle comme intendant militaire et prend sa retraite dans l'Indre. En juillet 1942, il remplace Louis Deschizeaux à la mairie de Châteauroux. « Modéré » soutenant le gouvernement de Vichy mais aussi germanophobe, il est nommé membre du conseil départemental (1942-1944). En août 1944, il est arrêté par la police F.F.I., emmené à Pouligny-Notre-Dame, puis interné à la caserne Bordessoulle avant d'être transféré en résidence surveillée à Buzançais le 30 septembre 1944. En avril-mai 1945, il est élu conseiller municipal de Buzançais mais son élection est invalidée.

(4) Le commissaire Ludmann, dans ses rapports, relate en partie ces arrestations et donne la liste des personnes arrêtées, voir p. 157.

(5) Le colonel d'aviation Schramm était responsable de la base aérienne et de l'école de pilotage de la Martinerie. « Ivrogne invétéré, grossier, brutal » et « nazi fanatique », il frappa à plusieurs reprises des ouvriers requis pour réparer la piste aérienne et menaça de ses armes de nombreux fonctionnaires français. Il ordonna de multiples réquisitions de main-d'oeuvre qui gênèrent l'activité économique de la ville.

(6) Le colonel Stenger commandait la colonne de répression allemande qui intervint dans le département de l'Indre entre le 9 juin et le début du mois de juillet 1944.

(7) Le commandant (« major ») Müller était professeur de français au lycée de Mecklembourg avant 1939. Chef de l'état-major de liaison allemand à Châteauroux en 1943 et 1944, cet officier de réserve était responsable de tous les actes administratifs. Il est décrit comme « un homme calme, courtois, assez correct, mais raide, guindé, représentant bien le type de l'officier allemand fier de son uniforme et de sa qualité ». Il ne participe pas aux missions d'oppression imputables à des colonnes spéciales et à la police allemande (S.D.).

(8) Brannenkämper (ou Brennenkämper) exerçait le métier de secrétaire général de préfecture en Allemagne. Directeur de l'Office de Placement Allemand de Châteauroux en 1944, il organisa et dirigea les départs sur l'Allemagne des travailleurs volontaires et des requis du S.T.O. « Nazi convaincu croyant à la grandeur de l'Allemagne et à la victoire finale », il fait cependant preuve de courtoisie avec les services officiels français.

(9) Les commissions de contrôle (allemandes et françaises) étaient des organismes issues de la convention d'armistice franco-allemande signée le 22 juin 1940. Jusqu'en 1942, elles vérifient le respect des accords en visitant les organismes militaires. De 1942 à 1944, les commissions françaises servent surtout à protester contre les exactions commises par les autorités allemandes sur l'ensemble du territoire.

(10) Le docteur Petersen était un ingénieur agronome qui régissait un grand domaine en Prusse avant la guerre. En 1944, il était chargé de la section économique de l'état-major de liaison à Châteauroux. Il possédait l'insigne d'or national-socialiste mais a consenti à débloquer d'importantes quantités d'essence et de matières premières sur la demande des autorités françaises.

(11) Officier supérieur d'active, le colonel Wiest remplace le commandant Müller durant l'été 1944. « Très dur et très sévère, ayant une profonde haine pour les membres de la Résistance et pour le maquis, ainsi que pour les populations rurales auxquelles il reprochait de soutenir le maquis », il fait cependant preuve de pitié et renonce à son projet de bombardement de Mézières-en-Brenne à la suite de l'assassinat d'un sous-officier allemand. Il se déclare cependant incompétent en ce qui concerne les expéditions de répression.



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© 2001, Alain Giévis