Présentation et notes
Jean-Louis Laubry
INTRODUCTION
L'hôpital public de Châteauroux était le principal établissement hospitalier du département. Des prisonniers malades ou blessés y séjournent dans un pavillon surveillé. Sous l'Occupation, le « cabanon » accueille certains résistants arrêtés par les forces de l'ordre françaises ou par la Gestapo. Au printemps 1944, une première tentative pour libérer des détenus soignés échoue en raison d'un événement imprévu. C'est pendant la période insurrectionnelle de l'été 1944 que les F.F.I. organisent et réussissent plusieurs opérations.
À l'automne 1944, étant l'objet d'accusations diverses (notamment des irrégularités dans sa gestion), le directeur de l'établissement rédige un mémoire narrant les activités de résistance à l'hôpital. Rédigé a posteriori, ce texte est certes un plaidoyer pro domo mais il constitue également une description précise des actions diverses dont M. Ballery a été le témoin.
L'auteur, Léon Ballery, est né le 1er juin 1894 à Issoudun. Il participe à la Grande Guerre et combat notamment à Verdun. Tout d'abord secrétaire de la mairie de Châtillon-sur-Indre, il entre en 1932 dans les services de la préfecture de l'Indre comme secrétaire de la défense passive. M. Ballery est alors adhérent au parti radical-socialiste et appartient même à son comité départemental. En outre, il est franc-maçon et membre de la loge castelroussine « La Gauloise ». Devenu rédacteur principal, il obtient le poste de directeur-économe de l'hôpital-hospice mixte de Châteauroux à partir du 1er août 1939 et demeure à ce poste durant l'Occupation.
À la suite de la défaite de juin 1940, il se brouille avec les dirigeants radicaux (en particulier avec M. Sadron) et adhère à la Légion Française des Combattants sans toutefois prendre une part active aux manifestations organisées par cette dernière. Dans son établissement, il tolère la présence de nombreux médecins israélites d'origine étrangère qui sont employés en qualité d'infirmiers. Il couvre le camouflage dans les caves de l'hôpital d'importants stocks de denrées provenant de l'intendance militaire. À partir du débarquement, il favorise les opérations entreprises par le maquis pour libérer des détenus arrêtés par la Gestapo et soignés à l'hôpital. Cependant, à la Libération, le syndicat des employés de l'hôpital attaque violemment la gestion de M. Ballery, et il est contraint à la démission le 15 février 1945. Dans une lettre datée de juillet 1947, l'ancien directeur revendique son appartenance au N.A.P. (réseau « Ajax ») et se pose en victime politique : « N'ai-je pas osé dire, moi, ancien radical, que les dirigeants du parti dans l'Indre avaient manqué à tous leurs devoirs, en laissant leurs troupes dans l'ignorance la plus complète de la conduite à tenir en matière de résistance ?»
Plusieurs documents permettent de compléter le témoignage de M. Ballery. Parus dans des journaux et des ouvrages favorables à la Résistance, ces articles apportent un autre point de vue sur les faits relatés par le directeur de l'hôpital sans contredire les affirmations de ce dernier.
DOCUMENT I [Haut
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Extraits du rapport du directeur
de l'hôpital de Châteauroux
(source : Archives départementales de l'Indre, M 39)
Évasion du lieutenant « Gérard » et de Salomon
Le 12 juin 1944, une ambulance de la Croix-Rouge amenait à l'hôpital un mort et un blessé en provenance de la caserne Bertrand. Le corps était celui de Ricard (1), mort pendant le trajet. Le blessé était Gérard (2). Ce dernier, atteint d'éclats multiples, fut aussitôt conduit à la radio. Il me demanda s'il pouvait avoir confiance en moi. Je lui donnai ma parole. « Gérard » me pria alors de faire connaître au maquis, par tous les moyens possibles, « la mort de "Ricard" et la prise de "Gérard" ». Georges Dreyfus (lieutenant « Paul » [3]) se trouvait en traitement à l'hôpital et devait rejoindre le maquis le lendemain. Je lui fis part de la demande de « Gérard ». Dreyfus me donna l'assurance que le Centre du blessé serait avisé. Il devait l'être dès le lendemain par un de nos infirmiers, Hervet, agent du Centre d'Aigurande (4), ce que j'ignorais. « Gérard » fut placé au pavillon 3, au rez-de-chaussée, en salle commune. Salomon, un autre blessé du maquis, prisonnier de la Gestapo, l'y rejoignit le 16 juin.
Je reçus la visite de Sutter et d'Otto (5), qui insistèrent pour que les blessés soient placés au pavillon 4, dans le local réservé aux détenus. Ils me firent connaître qu'ils me tenaient comme personnellement responsable en cas d'évasion, et m'invitèrent à leur signaler tout événement suspect.
Par la suite, ils revinrent à plusieurs reprises afin de constater que l'état des blessés justifiait bien leur maintien à l'hôpital. Nous fîmes tout pour cela : température maquillée, opérations retardées par le docteur Asselin (6), etc.
Un jour, Hervet me présenta le lieutenant « Hubert » (7), venu pour examiner les possibilités d'évasion des blessés. J'estimai la chose possible à condition de dresser un plan précis. Il faut dire que nos hommes se trouvaient au premier étage, dans un local à fenêtres à barreaux, à la porte de chêne constamment fermée à clef et munie de verrous, et toujours gardée à l'intérieur par trois agents de police.
J'indiquai sommairement les pièges à éviter et la tactique à mon avis la plus efficace. « Hubert » revint environ huit jours après, accompagné de « Cantin (8) », de « Bachelier (9) » et de « Joseph (10) ». Le plan définitif fut arrêté. L'opération devait avoir lieu le lendemain matin vers 7 heures. Elle réussit et, à l'heure indiquée, je voyais avec satisfaction une Peugeot à roues jaunes, que je connaissais bien, repasser par la porte de l'hôpital.
Suivant la convention passée avec la soeur de « Gérard », j'avisai aussitôt le beau-frère de ce dernier, pharmacien à Ussel, que « je me voyais obligé de lui retourner les spécialités qu'il nous avait adressées et que le colis était parti le 10 juillet ».
Entre les deux visites d'« Hubert » se produisit un événement qui devait avoir une importance considérable. Il me permit en effet de me disculper aux yeux de Sutter et de mettre fin aux agissements d'un agent double.
Un soir, vers 8 heures, je reçus la visite d'un inconnu qui désirait connaître les noms des tués et des blessés de l'affaire de Jeu-les-Bois. Il se déclarait appartenir à la résistance et être envoyé par ses chefs de la région d'Aigurande. Très prudemment, je ne donnai que des renseignements connus de tout le public. Sans doute pour me mettre en confiance, il prétendit être en mesure de me donner sous peu le nom de l'auteur de la dénonciation relative au café entreposé à l'hôpital et raflé par la Gestapo. Il me recommanda - c'était là, peine inutile - de me méfier de Schmidt, de Pfurter et d'Otto. Il me mit également en garde contre Armand, tenancier de l'hôtel d'Orléans, et, à ma grande surprise, contre M. Barret de la préfecture. Dès le lendemain, je fis part de cette conversation à M. Barret (11).
Il me proposa ensuite d'attirer Schmidt et Sutter à l'hôpital, afin de les y faire tuer par des hommes du maquis. Je refusai. Enfin, il m'annonça la visite prochaine de ses chefs qui s'entendraient avec moi pour faire évader « Gérard ».
Sur ma demande, l'homme me donna son nom et son adresse : Joly (12), rue des Fontaines, et me quitta à 8 h 45. Or, un de mes employés, voisin de Joly, m'avait parlé de lui, le tenant pour milicien. Il était trop tard pour enquêter sur son compte. Très inquiet, je me rendis dès le lendemain matin au commissariat de police où je vis M. Philippot (13), inspecteur principal. Je le priai de me faire savoir s'il connaissait Joly, sans indiquer les motifs de ma demande. Sa réponse fut nette : « Cet homme est portier de la Gestapo, la police en a les preuves formelles. » Je réalisai aussitôt le danger que je courrais si Joly faisait son rapport à la Gestapo. Je décidai de le devancer en signalant à Sutter, ainsi qu'il me l'avait demandé, la visite d'un agent de la résistance, événement suspect à tout point de vue. Au nom de Joly, que j'indiquai au téléphone, Sutter eut un cri de surprise. Il m'annonça sa visite immédiate. En effet, un quart d'heure plus tard, il était dans mon bureau, accompagné d'Otto. Je leur répétai ce que je leur avais déjà dit, en émettant des doutes sur l'équilibre mental de Joly. Le lendemain soir, celui-ci était arrêté. Je fis connaître aussitôt cette arrestation à la résistance par le canal de l'infirmier Hervet. J'appris que l'opération était bonne et que la photographie de Joly serait diffusée dans les maquis pour les mettre en garde, au cas où l'individu serait relâché.
Joly était-il envoyé par la Gestapo pour me sonder ? Voulait-il, en fournissant des renseignements à la résistance, s'attirer les bonnes grâces et se faire pardonner certaines trahisons ? Je l'ignore. Mais j'ai pu dire à Sutter, après l'enlèvement de « Gérard », que je faisais bonne garde et que vraiment si le maquis avait réalisé son exploit, ce n'était pas faute par moi d'avoir averti la GestapoS
Exécution de Schmidt
Schmidt, agent de la Gestapo, fut amené à l'hôpital le 6 août 1944 vers 22 heures (14). Il était atteint d'une fracture ouverte du coude droit par balle. En même temps étaient hospitalisés un autre agent de la Gestapo, Kaspar, et un adjudant-chef de l'aviation allemande.
Schmidt fut opéré dès son arrivée et placé, avec Kaspar et l'adjudant, dans une chambre située au 1er étage d'un pavillon militaire. Les trois blessés étaient seuls dans la chambre.
Avant le réveil de Schmidt, ses vêtements furent fouillés. Un pistolet s'y trouvait qui fut remis par le docteur Asselin à un médecin capitaine allemand assistant à l'opération.
Sutter vint voir les blessés une heure environ après leur arrivée. Il gifla violemment le veilleur de nuit au bureau qui ne lui indiquait pas assez vite la chambre où se trouvait Schmidt. Dès son réveil, celui-ci me fit demander et réclama instamment « son pétard » disant « qu'il connaissait la musique » et qu'il craignait la visite du maquis. Je lui indiquai que la détention d'armes était interdite dans les hôpitaux et que son pistolet avait été remis à un officier allemand. À plusieurs reprises, le blessé exprima le désir de quitter l'hôpital où il ne se sentait pas en sécurité.
Au cours de la journée, « Cantin » vint me voir et m'annonça l'enlèvement prochain de Schmidt par le maquis. L'opération devait avoir lieu dans la journée. Rien d'anormal ne se produisit, sinon que les collègues de Schmidt lui apportèrent une mallette dans laquelle aurait pu être dissimulée une mitraillette.
Schmidt manifesta vers le soir l'intention de partir. Craignant de voir rater l'opération, je profitai d'une course d'ambulance à Déols pour aller aux nouvelles chez Hervet, qui se tenait en liaison avec « Cantin ». Ce dernier s'y trouvait. Il me dit que l'enlèvement aurait lieu le lendemain matin à 7 h 30 ou l'après-midi à 13 h 30. Je ne devais pas me montrer durant l'opération, « Cantin » estimant que des représailles pouvaient être exercées à mon égard, si j'étais mêlé trop directement à l'affaire. Le sort devait en décider autrement. Il était convenu que je préviendrais la Gestapo avec un retard suffisant pour permettre la fuite du maquis.
Je revins à l'hôpital à 22 heures et fis une ronde dans les pavillons. À 22 h 30, je rencontrai le veilleur du pavillon de Schmidt partant donner ses soins à un malade d'un autre service. Je me rendis au pavillon 2 pour surveiller en attendant le retour du veilleur. J'y rencontrai un jeune étudiant en médecine allemand détaché à l'hôpital. Il parlait fort bien le français. Nous causions depuis quelques instants et l'étudiant me disait tout son mépris pour la Gestapo, et en particulier pour Schmidt qu'il traitait de « brute malfaisante », lorsque quatre hommes armés, accompagnés du veilleur d'un pavillon voisin qu'ils menaient devant eux, se présentèrent à nous. C'était le maquis. Celui qui paraissait être le chef me sembla assezS énervé. Avec un accent que je crus alsacien, il me demanda où se trouvait « M. Schmidt », tout en braquant sur moi un revolver. Très gêné par la présence de l'étudiant allemand, je fis quelques réticences, disant que je n'étais pas le veilleur et que j'ignorais où se trouvait Schmidt. L'homme m'intima alors, sur un ton menaçant, l'ordre de le mener à Schmidt. Je lui indiquai l'escalier. Il me fit monter devant lui en me tenant toujours sous la menace de son arme. L'étudiant allemand, tenu en respect par un homme, était resté au bas de l'escalier, les mains sur la tête. Heureusement pour lui, il avait quitté sa veste et pouvait passer pour un infirmier français. Cela lui a sans doute sauvé la vie.
Lorsque nous fûmes hors de portée de l'Allemand, je dis à mon ange gardien qu'il était inutile de me menacer et que je venais de voir « Cantin ». L'homme me répondit qu'il se foutait de « Cantin ». Nous arrivâmes dans la chambre de Schmidt. Celui-ci dormait profondément. Je le désignai. Le maquis le réveilla et lui demanda s'il était bien « M. Schmidt ». Schmidt tenta de ruser, mais un calot à tête de mort trouvé sur la tablette du lit le confondit. Le maquis lui demanda où se trouvait la mitraillette apportée par ses collègues. Schmidt affirma ne pas en avoir. Des recherches faites dans la mallette et sous le lit restèrent vaines. Schmidt reçut alors l'ordre de se lever et de s'habiller. Le veilleur amené par le maquis lui passait un pantalon lorsque Schmidt, saisissant un urinal de verre, en portait un coup violent sur la tête du maquis. Celui-ci repoussa Schmidt et tira en disant : « On ne me tue pas comme ça, M. Schmidt. » Atteint au-dessus de l'oreille gauche, Schmidt s'abattit en râlant. Son voisin de lit, l'adjudant, se jeta sous son lit et se mit à crier. Ses cris étaient tellement perçants qu'ils furent entendus de tous les pavillons. Je ne puis les comparer qu'à ceux d'un porc qu'on égorge. Le maquis le mit en joue et voulut le tuer. Je m'interposai, estimant inutile de commettre un acte qui pouvait attirer sur l'hôpital les représailles de la Wehrmacht. Enfin, je fis observer que le troisième, Kaspar, était moribond. Il devait en effet mourir une demi-heure après. Les compagnons de l'exécuteur, parmi lesquels je reconnus le fils d'une infirmière de l'hôpital, se joignirent à moi pour sauvegarder la vie des deux voisins de Schmidt. L'exécuteur saignait abondamment de la tête et semblait à demi assommé. Je lui dis de partir bien vite. Avant de le faire, il tira encore une fois en direction de Schmidt et l'atteignit au bras blessé. La balle alla se loger dans le parquet, entraînant un peu de coton du pansement.
L'exécuteur était complètement désorienté (15). Je le remis dans le bon chemin en lui indiquant que, dans un quart d'heure, je téléphonerais à la Gestapo. Tous s'enfuirent et je retrouvai l'étudiant allemand au pied de l'escalier. En sa compagnie, je remontai dans la chambre où Schmidt râlait encore. L'adjudant, terrorisé, se refusait à quitter le dessous de son lit ; je fus obliger de l'en tirer de force.
C'est alors qu'arrivèrent un infirmier logeant dans la chambre donnant sur le palier et un interne, M. Lebrun, attirés par les coups de feu et par les cris. Deux religieuses, soeurs Jeanne-Henriette et Andrée-Joseph [sic], accourues, aidèrent à placer Schmidt sur son lit et lui firent un pansement sommaire. J'attendis un peu et fis part à l'étudiant allemand de mon intention de téléphoner à la Gestapo. Il m'approuva. Je me rendis au bureau où je trouvai le veilleur affolé. Le téléphone était saboté mais non hors d'usage. Je profitai de cette occasion pour gagner encore un peu de temps et téléphonai à la police allemande en utilisant l'appareil du bureau militaire. D'une voix essoufflée, je fis part à Sutter de l'attentat qui venait d'être commis soi-disant à l'instant. En fait, il y avait déjà vingt minutes et le maquis devait être loin. À ce moment, un camion de la Croix-Rouge vint nous amener une malade. Je pressai vivement le chauffeur de partir sans perdre un instant vers Le Poinçonnet. Que serait-il advenu si les Allemands avaient trouvé le camion encore chaud dans la cour de l'hôpital, ou s'ils l'avaient rencontré, avenue de l'hôpital ? Ils nous auraient certainement accusés : le chauffeur d'avoir amené le maquis et moi de complicité. C'eût peut-être été un massacre. Je revis le lendemain le chauffeur qui me parut encore tout ému de l'aventure. Quelques minutes après le départ du camion, arrivèrent quelques hommes de la Feldgendarmerie. Ils se bornèrent à garder le pavillon. Puis vint un fort détachement de soldats, accompagnés de Pfurter et d'Otto, et d'une dizaine de Français en tenue bleu foncé, porteurs de brassards jaunes (16). L'un d'eux portait un galon d'or au col de sa vareuse et arborait l'insigne de la Croix de guerre française. Il me demanda ce qui s'était passé. Je refusai de lui répondre et demandai à être entendu par un Allemand parlant français. Un officier se présenta. Je lui décrivis la scène en insistant sur l'accent alsacien de l'agresseur et en indiquant qu'à mon avis, il s'agissait d'un règlement de comptes personnel. Mes déclarations furent entièrement confirmées par l'étudiant allemand. Les « brassards jaunes » déplorèrent la mort du « camarade Schmidt ». Les deux hommes de la Gestapo repartirent presque aussitôt. Ils paraissaient atterrés.
Les Allemands, au nombre d'une centaine, se mirent à patrouiller dans tout l'hôpital, munis de projecteurs et fouillèrent les jardins. À un certain moment, on m'appela au téléphone. Le chef des « brassards jaunes » me suivit, mitraillette braquée sur moi, et, pendant que je parlais à l'inspecteur de police Affolder (17), s'empara du deuxième écouteur. Affolder me demanda des détails sur l'agression. Très gêné, je voulus à plusieurs reprises raccrocher, mais le « brassard jaune » me fit signe de continuer à parler. Enfin, il m'arracha des mains l'appareil. Affolder fut sommé d'épeler son nom, de décliner ses qualités, et d'indiquer par qui il avait appris la présence de Schmidt à l'hôpital. Affolder répondit que c'était par la rumeur publique. Il s'entendit accuser d'avoir préparé l'opération et fut prévenu qu'il lui serait demandé des explications. Je sus le lendemain qu'Affolder avait aussitôt pris la fuite.
Je revins au pavillon 3 où j'appris le décès de Schmidt. Un officier, revolver au poing, m'enjoignit de l'accompagner à l'amphithéâtre. Je crus à ce moment que mes minutes étaient comptées. L'officier voulait tout simplement se rendre compte de l'endroit où étaient déposés les corps de Schmidt et de Kaspar.
Les recherches continuèrent à grand bruit, pendant un certain temps, à travers l'hôpital, puis la troupe partit vers 4 heures, ne laissant sur place qu'un petit détachement d'une vingtaine d'hommes armés, qui se retirèrent vers 10 heures.
Durant toute l'action, la panique régna parmi le personnel masculin. J'appris plus tard que l'économe (18) avait passé la nuit avec sa femme dans une chambre d'employée, au-dessus du pavillon des enfants malades. Il coucha deux nuits au dehors de l'établissement craignant une arrestation nocturne. Un interne, M. Juhel, se rendit au pavillon 7 et manifesta l'intention, à la première menace de rafle, d'occuper un lit de malade. Un infirmier passa la nuit caché dans une baignoire. Seul, l'interne Lebrun m'a assisté dans cette épreuve.
Je craignais les représailles et en fis part à l'étudiant allemand. Il se rendit à la Kommandantur et revint à l'hôpital pour me tranquilliser. Rien n'était encore prévu à ce sujet. Dans la matinée, un colonel vint et me remerçia d'avoir protégé la vie d'un soldat de la Wehrmacht.
Il n'y eut pas de représailles de la part des Allemands. On peut attribuer celà à un ensemble de faits qui se sont déroulés et parfaitement enchaînés, confirmant mes déclarations aux Allemands :
1. L'exécuteur était considéré comme alsacien, j'avais signalé son état d'ivresse ;
2. Affolder était alsacien, sa fuite a paru confirmer les soupçons du chef des « brassards jaunes », quant à la préparation de l'attentat ;
3. Un individu ivre, nommé Kauffmann (19), d'origine alsacienne, fut surpris à minuit, place Voltaire et exécuté sur le champ par la milice ; peut-être, les Allemands ont-ils vu en lui l'auteur du meurtre ;
4. La vie sauve accordée à Kaspar et à l'adjudant-chef.
Les Allemands en ont peut-être conclu qu'il s'agissait bien d'un règlement de comptes entre compatriotes.
En tout état de cause, j'ai conscience d'avoir permis au maquis de s'enfuir sans être inquiété, d'avoir évité des actes regrettables, et, par suite, d'avoir peut-être ainsi sauvé la vie à des concitoyens. [...]
DOCUMENT II [Haut
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Extrait de l'article
« Double évasion à Châteauroux »
Signé Y. Vivant, cet article est paru dans l'hebdomadaire du M.L.N.
de l'Indre Le Bazouka n° 4 daté du samedi 28 octobre 1944. En voici un
extrait centré sur l'expédition du corps franc à l'hôpital de
Châteauroux. Rattaché à l'état-major du G.I.E., ce groupe était
composé de Jacques Bachelier, « Pierrot » Daudon, René
Vazeilles et Gascot. Par la suite, d'autres maquisards intégrent ce corps franc
notamment Jacky Penneroux.
Double évasion à Châteauroux
[...]
Il faut les délivrer
Notre service de renseignements ne restait pas inactif. Joseph et ses amis
avaient réussi à savoir que Gérard et Salomon étaient à
l'hôpital sous bonne garde. Il transmit ce précieux renseignement au colonel
(20) qui décida de faire
l'impossible pour sauver nos camarades. Deux tentatives d'évasion organisées
alors que Gérard était toujours à l'hôpital civil avaient échoué.
L'opération s'avérait plus difficile encore dans la prison de l'hôpital.
Il importait de bien la préparer. Jeudi soir, le lieutenant Jacques, du groupe
franc, part en civil. Il arrive à Châteauroux et désireux de vérifier
et de compléter les derniers renseignements se rend à l'hôpital.
Le Directeur le reçoit fort bien, se met à sa disposition, le guide à travers les salles, lui explique avec précision les embûches à éviter et la meilleure conduite à suivre. Avant de le quitter, il lui remet un pistolet qu'il avait soigneusement caché jusqu'à ce jour. Le lieutenant rentre au camp, met l'état-major et le groupe franc au courant de son enquête. Les plans sont établis et les quatre hommes du groupe franc se préparent. L'affaire est pour le lendemain, vendredi 10 juillet.
La délivrance
Le groupe franc part le matin à 5 heures du maquis du Boué (21) où il cantonnait à cette époque.
Il pleut à torrent. Dérapant sur le sol détrempé, s'arrachant
difficilement à la boue épaisse qui colle à ses roues, s'enlisant
dans les ornières, « la traction » rejoint enfin la bonne
route. Une des habitudes du corps franc était de passer avant chaque opération
dangereuse au petit village de la Brauderie (22) où les « terroristes » disposaient d'amitiés
nombreuses et d'agents actifs. On arrive au village, tout est bien. On repart à
7 h 10. À 8 heures, on est à l'hôpital.
Gascot et Pierrot, escortés du sympathique docteur Jack, vont à la conciergerie et expliquent au concierge qu'ils transportent un malade grave à opérer de toute urgence. Le concierge ouvre sans méfiance les grilles, Pierrot lui demande de les laisser ouvertes car dit-il : « Nous comptons repartir bientôt. »
Dès lors, nous sommes dans la place. Le coup de main se déroule selon les plans prévus.
Pierrot, seul, se rend au bureau où il a pour mission d'interdire l'accès du téléphone et du dispositif d'alarme et de surveiller le concierge qu'il doit abattre si celui-ci s'avise de refermer les grilles. Il y trouve le balayeur qui l'a reconnu, mais n'en dit rien et avec lequel il engage la conversation. Gascot et René, guidés par le lieutenant Jacques, se dirigent vers le quartier des détenus. On arrive enfin. Le lieutenant frappe à la porte, le guichet s'ouvre. Le lieutenant s'adresse au gendarme et lui montrant un quelconque papier dactylographié et tamponné dit : « Sûreté de Limoges, nous venons pour un transfert de prisonniers. » Le brave gendarme rassuré par le papier à allure officielle entrouvre sans méfiance la lourde porte bardée de fer. René se précipite un pistolet dans chaque main : « Haut les mains tout le monde ! ». Les quatre gendarmes un peu suffoqués obéissent et se laissent fouiller et désarmer sans faire de résistance. Le personnel stupéfait obéit sans discussion et va chercher le lieutenant Gérard et Salomon. Ils arrivent sur leurs béquilles, vêtus seulement d'une chemise et d'un caleçon court (on leur avait enlevé leurs vêtements pour prévenir toute tentative d'évasion). Leurs camarades les couvrent de leur manteau et les aident à descendre à la voiture où on les installe aussi confortablement que possible.
Pierrot prévenu du succès de l'opération par trois coups de klaxon change subitement d'attitude. Il sort un énorme révolver et prévient le balayeur qu'il ne doit pas donner l'alarme avant un quart d'heure. Le balayeur répond :
« Très bien, Dodon. »
Un départ mouvementé
La voiture démarre et sort de la ville. À six kilomètres de
Châteauroux, elle s'arrête, c'est la panne. Une rapide investigation fait
incriminer la pompe à essence. On pompe l'essence, la voiture se décide
à repartir pour s'arrêter quelques centaines de mètres plus loin.
Près du village d'Arthon, la voiture lancée aussi vite que le permet sa
pompe défaillante dérape sur le sol détrempé et après avoir
fait deux tours sur la route se retrouve dans la bonne direction.
La pompe refuse alors tous services et le lieutenant Jacques, assis sur une aile, le corps plongé dans le capot, devra pomper l'essence jusqu'à Aigurande où l'on arrive enfin. Puis c'est à nouveau une succession de dérapages, d'enlisements pour rejoindre enfin le maquis de Boué où le capitaine Girard (23) et le colonel Robert reçoivent dans leurs bras les deux rescapés.
Y. Vivant
DOCUMENT III [Haut
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Le récit de la seconde évasion
de l'hôpital de Châteauroux
L'article non signé « La deuxième évasion de
l'hôpital de Châteauroux » est paru dans le journal La Marseillaise
du Berry, n° 60, daté du vendredi 3 novembre 1944. Ce quotidien était
l'organe du Comité Départemental de Libération de l'Indre (C.D.L.).
À noter que c'est la Gestapo qui a arrêté et torturé Meunier
et Sans alors les cinq autres détenus politiques ont été incarcérés
par les forces de l'ordre françaises (en mars 1944).
La deuxième évasion de l'hôpital de Châteauroux
Depuis longtemps, nos concitoyens sont curieux de savoir comment fut exécutée la deuxième évasion de l'hôpital de Châteauroux. Nous pouvons aujourd'hui leur donner quelques détails sur ce brillant coup de main qui libéra un groupe de détenus politiques composé de M. Hoguès, dit lieutenant « Jacques » de Clion, le docteur Roger Cluzeau, MM. Gillot, Redon, Popot de Châtillon, Sans et Meunier de Vatan, tous détenus par la Gestapo (24).
À la suite de l'évasion du lieutenant Gérard et de Salomon, la police est renforcée. Cela n'arrête pas la vigilance du sous-brigadier Mutot (25). Le 23 juillet, il nous apporte une mitraillette, le 24 une seconde, le 25 une troisième. Le lieutenant Jacques, Cluzeau et Popot les dissimulent sous leurs matelas. Gillot cache depuis quinze jours sous son traversin une corde de neuf mètres destinée à ligoter une ascension des armes par les fenêtres.
L'heure H est fixée au 26 juillet à 5 h 30 du matin. Signal : trois éternuements qui correspondront à notre attaque de l'intérieur et à celle simultanée de l'extérieur par les F.F.I.
5 h 30, rien. Les minutes semblent de plus en plus longues. 5 h 45, l'espoir nous abandonne. 5 h 50, un bruit de freins. Gillot, de guet à la fenêtre crie : « Ce sont eux ! », et c'est aussitôt une montée rapide des escaliers et les cris de « Ouvrez ! » nous parviennent de l'extérieur. Le docteur Cluzeau, Popot et Jacques saisissent leurs mitraillettes et sur leurs sommations, les agents lèvent les bras. Gillot désarme un gardien pendant que les F.F.I. désarment les deux autres. Meunier et Sans, blessés antérieurement par la Gestapo, sont là, couchés. Deux des F.F.I. transportent Sans, Gillot charge Meunier sur son dos et c'est la descente des escaliers devant les malades et le personnel ahuris. Chacun se répartit tant bien que mal, car nous sommes seize pour deux tractions avant. Un gardien nous a suivis, le gardien Bénès qui, plus tard, hélas, trouvera la mort en combattant les Boches à Châtillon. 5 h 57, démarrage foudroyant. Nous ralentissons à peine à la porte de l'hôpital pour prendre un F.F.I. interdisant l'accès au signal d'alarme.
Dernière vision de Châteauroux, un sourire, un salut, c'est le sous-brigadier Mutot qui arrive prendre la relève. Puis, c'est la course folle par les routes et les chemins, évitant les colonnes allemandes. Ce voyage se termine entre Murs et Cléré-du-Bois, où chacun regagne des fermes amies.
Nous ne pouvons terminer ce récit sans adresser nos vives félicitations au commandant Mauduit, dit « Julien » (26), l'organisateur et l'exécutant.
DOCUMENT IV [Haut
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Le regard d'un policier français
À la fin des années 1960, André Plateaux recueille le témoignage
du brigadier de police castelroussin Louis Tortey et le publie dans son ouvrage J'étais
Z.U. 19 agent secret, Issoudun, Gaignault, 1970, p. 210-211. À noter que quelques
jours après les faits, Louis Tortey passe au maquis en compagnie de plusieurs
gardiens de la paix du commissariat de police de Châteauroux.
Employé aux constructions Guinard de Châteauroux comme ajusteur-mécanicien, j'ai été réquisitionné au titre du S.T.O. pour aller travailler dans une usine de sous-marins à Rostock (Allemagne). Après de nombreuses difficultés pour me soustraire à cette affectation, j'étais requis dans la police le 2 novembre 1942.
Avec plusieurs camarades du corps urbain de Châteauroux (27) et sous la conduite du brigadier Mutot (28) - prisonnier évadé - nous avons constitué un groupe de vingt-deux policiers chargés de faire évader les détenus politiques placés sous notre garde à l'hôpital de Châteauroux, ainsi que des jeunes requis du S.T.O. pour lesquels nous facilitions leur évasion au moment de leur embarquement en gare de ville.
Lors du séjour de Schmidt, agent de la Gestapo à l'hôpital de Châteauroux où il était en traitement - il devait avoir été blessé par le maquis Alex du côté de Dun-le-Poëlier - étant de service au poste de police, j'ai été avisé téléphoniquement par l'hôpital d'avoir à envoyer sur place tout le personnel disponible. Ayant été désigné avec deux collègues pour cette mission, je me suis d'abord rendu au domicile de Mutot afin de savoir s'il avait des tuyaux sur cette demande insolite puisque formulée après le couvre-feu. Mutot ignorait tout de ce qui se passait au Centre hospitalier, mais il nous pria de nous y rendre, sachant qu'un corps franc avait été chargé d'enlever Schmidt dans la soirée ou le lendemain matin. À notre arrivée à l'hôpital, nous avons été interpellés à la grille d'entrée par des Doriotistes que je ne connaissais pas, portant la tenue bleu-marine avec brassard jaune et le béret noir. Leur chef nous dirigea vers le pavillon militaire en nous précisant que nous y étions appelés. À notre arrivée, les membres de la Gestapo se tenaient sur les marches devant l'entrée et l'un d'eux nous informa « qu'un de leurs agents venait d'être tué dans son lit par un maquisard » ; il ajouta « que le maquis venait tuer les agents de la Gestapo dans les hôpitaux alors qu'eux-mêmes faisaient seulement prisonniers les maquisards ».
Dès notre entrée dans une salle du pavillon, j'ai vu un homme inanimé étendu sur une civière, portant une petite blessure au-dessus de la lèvre supérieure ; dans la même salle, il y avait un opéré qui, d'après les Gestapistes, avait eu très peur et en se remuant s'était occasionné une éventration. Ces hommes couraient en tous sens à la recherche d'un médecin pour soigner ce blessé.
Une méfiance réciproque se sentait, toutefois les Gestapistes nous confirmèrent que le cadavre était celui de Schmidt. Leur chef nous ordonna de garder les issues de la salle où l'incident s'était produit et précisa que nous serions relevés par des soldats allemands, ce qui fut fait environ une heure après, alors que le cadavre avait été enlevé (j'ignore par qui). Ensuite, nous avons regagné le commissariat où nous avons rendu compte de ces faits.
À la suite de cette affaire, notre groupe décida de prendre le maquis, ce qui fut fait le surlendemain. Par petits groupes, car toutes les routes étaient gardées à la sortie de la ville par des soldats allemands, nous nous sommes rendus vers la route d'Argenton avec nos armes et notre matériel : auto, moto, bicyclettes ; nous avions notre uniforme et coiffé notre béret afin de ne pas être retenus par ces soldats. Empruntant des voies différentes, nous nous regroupions à « La Lienne » (29), sur la R.N. 20, à environ cinq kilomètres de Châteauroux ; aussitôt nous étions interpellés par des maquisards qui se tenaient dans les bois bordant la route, notre béret leur laissant penser (ou croire) que nous étions des miliciens. Nous avons été embarqués dans des camions et conduits en forêt de Châteauroux, à « La Verrerie » (30), au P.C. du lieutenant Albert (31). Celui-ci étant absent, nous avons été gardés jusqu'à son retour ; aussitôt il nous reconnaissait comme étant des policiers résistants et immédiatement nous avons fraternisé avec nos gardiens.
Le lendemain, notre groupe de policiers s'est dirigé vers Scoury (32), lieu de rassemblement définitif que nous nous étions fixé en abandonnant le commissariat ; nous couchions dans des granges et prenions repas au restaurant Chaussé de cette localité. Quelques jours après, sur ordre de « Surcourf », nous nous rendions à l'ancien camp de jeunesse de Bois-Robert (33) où, après aménagement du camp, des collaborateurs du département ont été amenés par différents groupes de partisans et nous avons été chargés de leur surveillance et de leur nourriture. Nous les enchaînions la nuit pour éviter leur évasion. Dès la libération de Châteauroux, ces détenus ont été transférés à la caserne Bertrand de Châteauroux et nous sommes restés dans la ville.
Lors de la réoccupation de Châteauroux par les troupes allemandes, les détenus ayant été évacués vers un autre camp, notre groupe de policiers se rendait en forêt du Poinçonnet. Alors que nous circulions en moto, Dupont et moi-même, précédés de gendarmes également à moto, près du carrefour du « Riau de la Motte », les troupes hindoues dont nous ignorions l'arrivée en forêt tirèrent sur les gendarmes qui nous précédaient. Je faisais demi-tour avec Dupont pour alerter mes camarades et d'autres gendarmes qui nous suivaient à bord de camionnettes qui contenaient des armes et des munitions. Nous avons gagné la forêt en direction d'Ardentes et, une seconde fois, dans un carrefour, nous avons été mitraillés par les Hindous qui étaient grimpés dans les arbres. Nous avons évacué notre camionnette juste avant qu'un obus la détruise ; nous nous sommes dispersés dans les fourrés, en diverses directions, et au Poinçonnet j'ai retrouvé mes camarades Arbogast et Dupont ainsi que deux gendarmes ; l'un de ceux-ci fut tué la nuit suivante alors qu'il cherchait à regagner Châteauroux.
Le lendemain matin, avec Dupont, j'ai quitté la forêt pour m'informer de la direction prise par les convois allemands que nous avions entendu circuler toute la nuit sur la route de Cluis. Un cafetier du Poinçonnet nous a alors appris que Châteauroux était réoccupé et il nous donna des chemises civiles afin que nous ne soyons pas pris pour des maquisards. Nous nous sommes retrouvés à mon domicile où le rendez-vous était fixé. Dès notre arrivée, nous avons contacté des postiers téléphonistes qui nous apprirent que notre groupe était à Clavières, près d'Ardentes, et à Neuvy-Saint-Sépulchre. Je suis resté à Châteauroux avec Dupont et Arbogast (34) afin de pouvoir renseigner nos camarades qui avaient rejoint le maquis. Les Allemands quittèrent alors Châteauroux pour la seconde fois et notre groupe a rejoint la ville. Par la suite, ce groupe a été divisé en quatre sections affectées à Issoudun, Le Blanc, La Châtre et Argenton, où nous avons été chargés de l'étude des dossiers des détenus politiques qui étaient gardés dans les camps du département ; par ailleurs, nous effectuions des enquêtes sur des individus encore en liberté et qui étaient soupçonnés de collaboration.
NOTES [Haut de page]
(1) Concernant « Ricard », pseudonyme de Raymond Kinder, cf. note 50, p. 109.
(2) « Gérard » c'est-à-dire Jacques Borie est originaire de la Corrèze. Fils d'officier supérieur, il fait ses études du second degré au Prytanée de La Flèche et est reçu à l'école militaire de Saint-Cyr. Puis il entre dans la clandestinité et rejoint l'école nationale des cadres du maquis. Membre de la mission « Périclès », il gagne l'Indre en décembre 1943 et il instruit des futurs cadres de l'A.S. en particulier en matière de sabotage. Officier attaché à l'état-major du G.I.E. à partir du débarquement, il est grièvement blessé aux cuisses par des éclats de « Minen » lors du combat de Jeu-les-Bois le 11 juin 1944. Ramené à Châteauroux par les Allemands, il est laissé sans soin dans la cour de la caserne Bertrand dans la nuit du 11 au 12 juin avant d'être emmené à l'hôpital. Il parvient à s'en évader le 26 juillet avec le concours d'un commando de maquisards. Après la Libération, il est rédacteur en chef du Petit Bleu, journal de René Pleven à Saint-Brieuc.
(3) Georges Dreyfus alias lieutenant « Paul », cf. tome 1, note 91, p. 113.
(4) L'infirmier Gérard Hervet dit « Lacouard » travaillait à l'hôpital de Châteauroux. Il appartenait au N.A.P. (Noyautage des Administrations Publiques) et servait surtout d'agent de liaison. Durant l'été 1944, Aigurande et ses environs (Crevant, Orsennes) constituent un pôle central de la résistance dans l'Indre. Robert Monestier, responsable des M.U.R. et président du C.D.L., s'y cache avec sa famille lorsque le débarquement a lieu. Le C.D.L. s'y réunit clandestinement à plusieurs reprises. Les premiers numéros clandestins de La Marseillaise du Berry y sont confectionnés y compris durant la période où Châteauroux est réoccupée du 30 août au 10 septembre 1944. L'expression « la République d'Aigurande » est même employée.
(5) Pierre Sutter, Otto, Pfurter et surtout Schmidt sont des membres de la Gestapo de Châteauroux (cf. notes 43 et 44 pour Sutter et Schmidt, p. 108).
(6) Né le 9/02/1902 à Montdidier (Somme), le docteur Joseph Asselin appartient à la droite conservatrice castelroussine (il est signalé par la police comme « Action Française » en 1941). Durant l'Occupation, il entretient une correspondance avec son ami et collègue Bernard Ménétrel, médecin et secrétaire particulier du Maréchal Pétain. Responsable de la section de Déols, il est président de la Légion Française des Combattants dans le district de Châteauroux. Il est vice-président puis secrétaire du conseil de l'ordre des médecins de l'Indre formé en 1942. En août 1943, le général de Chomereau ayant été arrêté par les Allemands, il le remplace provisoirement à la tête de la Légion sur le plan départemental. À la libération de Châteauroux en septembre 1944, il est arrêté par la police F.F.I. mais il est libéré dès le 17 octobre en raison des soins qu'il a apportés à des résistants blessés à diverses occasions et dans différents lieux.
(7) Le « lieutenant Hubert » semble être Désiré Browaeys, agent du réseau Écarlate spécialisé dans les opérations aériennes, dont le chef dans l'Indre est Félix Guilcher dit « Romain ». Il est parachuté dans l'Indre à Fléré-la-Rivière près de Châtillon au début du mois de mai 1944. Par l'intermédiaire de policiers de Châteauroux membres du réseau, il entre en contact avec les responsables départementaux du N.A.P.
(8) « Cantin », c'est-à-dire Raymond Colas est né le 5/02/1909 à Saint-Aignan (Loir-et-Cher). Tout d'abord meunier, puis pilote de chasse dans l'armée de l'air, cet adjudant-chef est affecté à la base aérienne de Châteauroux comme moniteur en vol rasant au début de l'Occupation. En mars 1944, il entre au service N.A.P. et se retrouve sous les ordres de Raymond Kinder. À la mort de ce dernier, il en devient le responsable départemental le 12 juin 1944. À ce titre, il assiste aux réunions clandestines du C.D.L. durant l'été 1944. Il s'efforce d'augmenter les équipes de renseignements et d'action. Il est également chargé par l'état-major départemental des opérations à l'intérieur de Châteauroux ayant à sa dispositon les corps francs de Saint-Maur et Crevant. Enfin, il assure la diffusion des numéros clandestins de La Marseillaise du Berry. À la Libération, il est lieutenant d'aviation à Châteauroux.
(9) Jacques Bachelier alias « Jacques », de Châteauroux. Membre de l'A.S., il commande le corps franc rattaché à l'Etat-major du Groupe Indre-Est. Sur ordre, il accomplit avec sa petite unité des missions périlleuses ou délicates comme l'exécution du député Albert Chichery le 15 août 1944 près du Blanc. (A.D.I. 1279 W 58.)
(10) S'agit-il de Joseph Arbogast, brigadier au commissariat de police de Châteauroux et membre du N.A.P. ?
(11) Fonctionnaire de la préfecture de l'Indre, M. Barret est en 1926 chef du 2e bureau de la 3e division. Dans les années 1930, il dirige la 3e division (assistance et hygiène publiques) puis la 2e division (administration générale et départementale). Enfin, sous l'Occupation, il est responsable de la 1re division (chargée notamment de l'administration hospitalière et de la comptabilité publique).
(12) Concernant Joly, cf. tome 1, note 70, p. 110 et 111.
(13) Pierre Philippeau était inspecteur principal de police au commissariat de police de Châteauroux. À la Libération, il est menacé de révocation car il est accusé d'avoir fait preuve d'un zèle excessif durant l'Occupation lors d'enquêtes concernant des membres de la Résistance.
(14) Les conditions de l'arrivée de Schmidt à l'hôpital restent sujettes à caution. Selon la note n° 1973 émanant des renseignements généraux du département de l'Indre datée du 8 août 1944 : « Dans la nuit du 6 au 7 courant, quatre inspecteurs de police allemande de Châteauroux ont été attaqués sur le territoire de la commune de Valençay (Indre). Deux auraient été tués sur place, deux autres blessés et hospitalisés le jour même à l'hôpital mixte de Châteauroux. » D'après Georgette Guégen-Dreyfus (en 1972) et Yves Chauveau-Veauvy (en 1993), le 5 août 1944, le maquis F.T.P. d' « Alex » est attaqué près d'Anjouin dans le nord du département. Durant le combat, quatre résistants sont sauvagement assassinés à coups de crosse et de baïonnettes ; deux officiers de la Wehrmacht et deux membres de la Gestapo (dont Schmidt) sont gravement blessés et hospitalisés à Châteauroux.
(15) L'exécution serait l'oeuvre d'un groupe de F.T.P. venus des maquis résidant dans le nord-est de l'Indre. D'après Georgette Guégen-Dreyfus, « Schmidt fut achevé à l'hôpital par un maquisard de Dun-le-Poëlier, qui lui fit payer les tortures qu'il avait fait subir aux résistants. » (cf. « Attaque du maquis d'Alex. La Roche d'An-jouin, 5 août 1944 », in Guéguen-Dreyfus Georgette, op. cit., p. 122). Selon Chauveau-Veauvy Yves, « C'est [à l'hôpital de Châteauroux] qu'un petit commando du maquis s'introduisit de nuit dans l'établissement pour enlever [...] Schmitt [sic] qui fut tué par l'un des intervenants, René Drouet. Le chef de la Légion étrangère allemande qui s'y trouvait également, mourut des suites d'une congestion cardiaque provoquée manifestement par l'incident. » (cf. l'ouvrage de cet auteur, L'été 44. Nord Indre. Sud Loir-et-Cher, Ingré, 1993, p. 100).
(16) La présence des « brassards jaunes » à Châteauroux dans les premiers jours d'août aux côtés de la Gestapo est également confirmée par Jean de Bonneval arrêté à Issoudun le 2 du même mois et qui note dans son journal intime : « On me fait monter sur l'un des camions qui est découvert. Je suis encadré par des types ayant des gueules d'apaches. Ils sont en drap bleu foncé (comme des pompiers) et portent un brassard jaune à tête de mort. Ce sont des Français. Quel métier font-ils là ? [...] Pour passer le temps, j'entame la conversation avec mes gardiens qui me disent faire partie de la Gestapo dont ils sont les groupes "d'Auto-Défense". C'est la première fois que j'entends prononcer ce nomS» (A.D.I. 1281 W 2.)
(17) Après avoir obtenu son baccalauréat et entrepris des études de droit, l'Alsacien Jean-Marie Affolder officie comme secrétaire de police au commissariat de Châteauroux à la fin de l'Occupation. Membre des M.U.R. et du N.A.P., il fournit des renseignements précieux et des copies de dossiers à la Résistance. Il rejoint les rangs des F.F.I. dans la nuit du 6 au 7 août 1944 puis, en tant qu'officier, il commande un groupe d'une vingtaine de gardiens de la paix castelroussins passés au maquis à la mi-août. À la tête de ce groupe de police F.F.I., il dirige un camp d'internement dans les environs de Villedieu-sur-Indre avant d'être affecté, en septembre 1944, à l' « Intendance de Police » chargée des enquêtes sur les suspects de collaboration.
(18) Il s'agit de Jean Gallais qui avait effectivement des raisons d'être inquiet. En effet, à partir de mars 1944, ce secrétaire puis économe de l'hôpital de Châteauroux donne des renseignements au N.A.P. notamment sur les détenus politiques qui sont soignés dans le « cabanon ». Jusqu'en juin, il rencontre régulièrement « Ricard » à qui il fournit, en outre, du matériel médical à destination du maquis. Dans un rapport rédigé à la Libération, Gallais écrivait : « Le 16 mai, Sans et Meunier, l'un de Vatan, l'autre de Reboursin, étaient arrêtés par la Gestapo, blessés, ils ont été conduits à l'hôpital et placés au Pavillon Spécial (appelé aussi le "cabanon"), sous la surveillance de la police. Je signalai ce fait à "Ricard", qui, quelques jours plus tard, me fit demander aux deux malades le nom de la personne qui aurait pu les dénoncer à la Gestapo pour parachutage et détention d'armes ; en me présentant de la part de "Julien", je suis entré en liaison avec Sans et Meunier ; très fréquemment, "Ricard" me remettait de l'argent et du tabac que je faisais parvenir à Sans et à Meunier [...]. Le 12 juin, vers 21 heures, l'ambulance des Pompiers amenait à l'hôpital un blessé et un mort, pris à la caserne Bertrand. Le blessé conduit à la radio nous a expliqué en quelques mots le lieu de la bataille - il s'agissait du lieutenant "Gérard" . Le lendemain matin, je me rendis au chevet de "Gérard", qui avait été placé au Pavillon 3 sans surveillance de police. Je me fis connaître, et "Gérard" me demanda tout de suite de m'occuper de lui et de le faire sortir de l'hôpital, je lui ai dis que je reviendrai le voir le soir et que certainement j'aurai des instructions. Je pensais voir "Ricard". Quelle fut ma grande surprise, lorsque après avoir quitté « Gérard », je me rendis à l'amphithéâtre où je trouvais le corps de "Ricard". »
(Archives privées.)
(19) « Au début d'août, après l'exécution de deux agents de la Gestapo, Schmidt et Gaspard [Kaspar d'après M. Ballery], Sutter tua d'une rafale de mitraillette M. Koffmann [Kauffmann dans le texte de Ballery]. » (A.D.I. 773 W 72 - ZE 3275, rapport d'octobre 1944.)
(20) Il s'agit sans doute du lieutenant-colonel « Robert » Vollet, commandant du G.I.E.
(21) L'emplacement du « maquis du Boué » n'a pas pu être localisé.
(22) La Brauderie est un petit bourg situé sur la limite communale entre Châteauroux et Le Poinçonnet.
(23) Le lieutenant puis capitaine Girard commande une compagnie du Groupe Indre-Est. En septembre et en octobre 1944, il est l'adjoint du capitaine Gombert, responsable de la police F.F.I. du G.I.E. et durant un temps de la police départementale F.F.I.
(24) Le lieutenant « Jacques » Hoguet était à la tête du maquis des Caves du Tranger. Après son évasion, il forme une compagnie avec ses hommes et se rallie le 8 août 1944 à l'O.R.A. Sa compagnie est intégrée seulement en septembre au bataillon « Carol » de la brigade Charles Martel. Le médecin Roger Cluzeau était le fils du docteur René Cluzeau, maire de Châtillon-sur-Indre révoqué par Vichy. Gustave Redon, commis du trésor et membre de la S.F.I.O., devint responsable du M.L.N., 1er adjoint de la municipalité provisoire et président du C.L.L. de Châtillon-sur-Indre à la Libération. Gilbert Gillot et le chauffeur Popo[t] appartiennent à la résistance de la région de Châtillon.
(25) André Mutot est né le 15/08/1914 en Normandie. Après son certificat d'études primaires, il apprend le métier de menuisier et exerce différentes professions. Après son service militaire, en 1938, il devient gardien de la paix dans la police municipale d'Elbeuf. Mobilisé en août 1939, il est fait prisonnier à Rouen en juin 1940. Interné en Allemagne au stalag 6 A, il s'évade le 4 novembre 1942, est démobilisé à Châteauroux le 14 décembre et entre dans la police régionale d'État. Il est alors nommé au commissariat de police de Châteauroux où il est promu sous-brigadier de police le 1er janvier 1944. En avril 1944, il entre au N.A.P. en même temps que plusieurs de ses collègues en tenue. En mai, il entreprose des postes émetteurs-récepteurs à son domicile. En juillet, il transmet des armes à huit prisonniers politiques en traitement à l'hôpital afin de permettre leur évasion. En août, il passe au maquis, participe à la surveillance des camps d'internement de Bois-Robert (commune de Mézières-en-Brenne) et de Pouligny-Notre-Dame. En septembre, il remplit les fonctions d'officier de police F.F.I. à Issoudun avec le grade de sous-lieutenant. Enfin, en octobre, il réintègre le commissariat de Châteauroux mais est détaché, en novembre, à la brigade de sécurité départementale de l'Indre où il fait office d'inspecteur de police.
(26) Concernant Gaétan Mauduit, cf. note 34, p. 108.
(27) Le corps urbain correspond au groupe de policiers en tenue (gardiens et officiers de paix) affectés à la sécurité publique au commissariat de police de Châteauroux.
(28) Concernant André Mutot, cf. note 25, p. 122.
(29) « La Lienne » est un lieu-dit situé au sud-ouest de Châteauroux sur le territoire de la commune de Saint-Maur.
(30) « La Verrerie » (commune d'Arthon) se trouve à l'extrême sud de la forêt de Châteauroux sur la route allant du chef-lieu de département à Aigurande en passant par le Poinçonnet et Cluis.
(31) Le lieutenant « Albert » est sans doute Albert Gouliard, ancien militaire de carrière qui s'est établi comme boucher à Cluis. En mars 1944, il est nommé responsable du sous-secteur A.S. de Cluis. En mai, il est recherché par la Gestapo. À partir du débarquement, le lieutenant « Albert » commande un groupe de maquisards qui forme bientôt la 7e compagnie intégrée dans le 3e bataillon du G.I.E. à la fin de l'été. Le 10 septembre 1944, il est tué au combat à Mareuil-sur-Arnon (Cher) non loin d'Issoudun.
(32) Le bourg de Scoury (commune de Ciron) est placé sur la R.N. 151 entre Saint-Gaultier et Le Blanc.
(33) Près d'un bois et d'un château portant le même nom, Bois-Robert est un lieu-dit de la commune de Neuillay-les-Bois.
(34) Concernant Joseph Arbogast, cf. note 10, p. 121.