1942

9 - « Aux paysans berrichons ! ». Tract dactylographié et ronéontypé, Anonyme, juin 1942, dactyl. et ronéo. (A. D. Indre, 2 Z 2669)
Ce tract a été apposé dans la nuit du 6 au 7 juin 1942 dans la commune de Mouhet. « Ces affiches, au nombre de cinq, ont été découvertes l’une au bourg de Mouhet et les quatre autres réparties dans les hameaux de Couret, Mazerolles, Rhodes et Méfie-toi. Elles étaient placardées sur les portes de grange de certains immeubles et maintenues en place au moyen de clous à chaussures usagés et de quelques pointes de tapissier, ce qui laisserait supposer qu’elles ont été apposées par un individu habitant la région. Ces affiches vraisemblablement ronéotypées étaient intitulées “AUX PAYSANS BERRICHONS” ; elles flétrissaient l’organisation de la corporation paysanne et étaient surtout dirigées contre la manifestation organisée le 7 juin 1942 à Châteauroux. Elles invitaient les paysans à revendiquer ce jour-là de plus grandes rations de vin, de pain, de meilleurs qualités d’engrais, de semences etc. Les renseignements recueillis au cours de l’enquête effectuée aussitôt par la brigade de gendarmerie de Saint-Benoît-du-Sault n’ont pas permis, jusqu’à ce jour, de découvrir le ou les auteurs de l’affichage. Cette enquête se poursuit. Ces affiches n’ont produit aucune réaction sur la population. » (rapport du lieutenant commandant de la section de la gendarmerie du Blanc adressé au sous-préfet du Blanc, 9 juin 1942).
Le 29 juin 1942, le Commissaire Principal des Renseignements Généraux du département de l’Indre écrit au préfet qu’un inspecteur de police de son commissariat chargé de l’enquête lui a fourni le rapport suivant :
« L’état d’esprit de la commune de Mouhet n’a pas changé depuis le dernier rapport n° 897 en date du 17 avril 1942 de M. le Commissaire Principal des Renseignements à Châteauroux.
L’enquête approfondie n’a pas permis de retrouver l’origine du tract. Celui-ci, d’après les déclarations de certaines personnes dignes de foi, ne peut provenir que d’un des deux départements limitrophes (Haute-Vienne ou Creuse).
L’apposition des affiches dans les différents hameaux de la commune laisserait supposer que cette opération fut l’œuvre d’individus différents. Effectivement, l’on remarque trois modes de fixation ; là, des clous ordinaires, ailleurs, des pointes de tapissier, plus loin, des clous rouillés.
Il semblerait douteux qu’un même personnage, non professionnel, ait pu prélever avec sang-froid un mode de fixation particulier, dans une ou des poches différentes de ses vêtements.
Certains habitants interrogés, n’ont aucun soupçon, sur tel ou tel personnage résidant à Mouhet. Tout le monde s’observe, mais personne ne veut dire le fond de sa pensée.
La gendarmerie de Saint-Benoît-du-Sault surveille particulièrement cette commune » (A .D. Indre, M 2745 - 2).

AUX PAYSANS BERRICHONS !

Le 7 juin, M. CAZIOT, ancien ministre de l’agriculture, chargé de l’organisation de la corporation paysanne, viendra à Châteauroux pour y constituer l’union régionale de l’Indre.

Certains d’entre vous savent ce qu’est l’organisme imposé.

Beaucoup l’ignorent encore ou se sont laissés tromper.

Nous qui savons notre devoir est de vous avertir.

Les réunions communales qui ont soi-disant pour but de nommer les syndics ne sont que vastes mystifications. Ces syndics sont choisis par les dirigeants des corporations paysannes qui sont vos pires ennemis.
Aucun d’eux n’interviendra pour vos revendications essentielles.

Au surplus, la réunion du 7 juin, est surtout privée, le banquet lui-même à 50 frs, à l’Hôtel de France, n’est pas fait pour les vrais paysans qui sont sales.

Le Gouvernement attend de la Corporation ce qu’il attend de la Légion.

C’est une arme comme il l’a si bien dit, mais elle est en réalité dirigée contre vous. PRENEZ GARDE !

Le but recherché est de vous avoir bien en mains, de tout avoir, de tout contrôler, de faire de vous de véritables machines à prendre sans le droit de vous plaindre.

Dans l’Indre, le délégué de la Corporation, en même temps que gros propriétaire terrien, est un gros industriel multimillionnaire marchand de chaux à St Gaultier ; celui-là, le sort des paysans lui [importe peu], il est assisté d’un gentleman originaire de la Marne, fort heureux d’avoir pu se créer une situation à la faveur des événements.

Voilà ceux qui ont la charge de défendre les paysans, voilà la Corporation.

PAYSANS BERRICHONS !

HITLER, par son CAZIOT, GOYON et ses syndics vous feront une abondante distribution de pommade. Vous l’accepterez selon votre tempérament.
Soyez nombreux à Châteauroux, mais surtout n’oubliez pas de faire savoir aux polichinelles qui seront devant vous que vous n’êtes pas disposés à les suivre sur le chemin de la Corporation, qui est celui de l’esclavage.
Aux invites qui vous seront faites, vous répondrez haut et fort :

DU TRAVAIL, OUI, ça ne nous change pas.
MAIS NOUS VOULONS AUSSI :

De plus grandes rations de vin et de pain de bonne qualité, des engrais, des semences de toutes sortes et en quantité suffisante.

Qu’on ne touche plus au cheptel indispensable, que notre matériel agricole puisse être réparé. Des bons spéciaux de vêtements et de chaussures.

Le retour à la terre du grand nombre de prisonniers que les boches utilisent pour leur machine de guerre, deux ans encore après l’armistice.

Nous voulons enfin, que nos produits soient exclusivement réservés aux Français et que les répartitions soient effectuées par des Comités Populaires composés à tous les échelons, de vrais paysans, d’ouvriers et de ménagères.

Et pour résumer votre pensée, vous direz à Monsieur CAZIOT :

RIEN POUR HITLER ! TOUT POUR UNE FRANCE LIBRE ET INDEPENDANTE !