1942
18 - « Est-il vrai ? ». Tract manuscrit à l'encre bleu, Anonyme,
octobre 1942, ms. (A. D. Indre, M 2745-3)
Cette affiche manuscrite en lettres majuscules a été apposée à
l’aide de quatre punaises à Chabris dans la nuit du 29 au 30 octobre sur la
porte d’un garage situé à l’angle des rues de la Poste et de la Garenne
à Chabris, à environ 1 m 50 du sol ; elle a été immédiatement
enlevée par la brigade de gendarmerie vers 8 h. 30 dès qu’elle a été
prévenue, « et n’a pu de ce fait être lue de la population (…). Le
texte de celle-ci paraît être l’œuvre d’une personne, ayant une instruction
supérieure et partisane de l’ancienne municipalité [celle en exercice
a été mise en place en novembre 1941], qui profite que 2 conseillers
municipaux sont inculpés, l’un dans une affaire de mœurs, l’autre de détention
de matériel appartenant à l’armée, pour critiquer le Conseil municipal
actuel et la Légion des Combattants » ; les deux conseillers municipaux
en question « sont sévèrement critiqués par la population qui
demande que des poursuites judiciaires soient exercées contre eux et leur radiation
du Conseil municipal ». Une enquête est faite le 30 octobre, mais les sept
personnes interrogées déclarent toutes ignorer qui peut être l’auteur
de cette affiche : « Les recherches sont continuées et feront l’objet le
cas échéant d’un nouveau rapport. Deux affiches antinationales avaient
déjà été apposées sur les murs de la ville de Chabris dans
la nuit du 16 au 17 courant [voir le document précédent, n° 17]
». Le Maréchal des Logis-Chef commandant la brigade de Chabris précise
dans son rapport (fait à Chabris le 30 octobre 1942) que le président de
la Légion locale (lequel semble avoir été l’instigateur de l’équipe
municipale nommée en novembre 1941), son vice-président et son secrétaire
« sont actuellement démissionnaires de la Légion ». Le capitaine
commandant la section de gendarmerie de Châteauroux, en transmettant le rapport
à son chef d’escadron le 2 novembre 1942, note qu’
« il s’agit là d’une animosité contre l’autorité locale. L’auteur
de cette affiche paraît être le même que celles placardées à
Chabris le 17 octobre 1942 et intitulées "Sous le régime Vichyssois
le mercanti est roi" celles-ci étant nettement antinationales. Prendre
en considération les indications de la présente affiche serait évidemment
satisfaire son auteur. L’opinion est depuis longtemps très divisée à
Chabris où la mentalité est généralement moins bonne que dans
les régions situées au Sud ».
À souligner que l’affiche critique violemment le nouveau mode de désignation
des municipalités des communes de plus de 2 000 habitants mis en place par la
loi du 16 novembre 1940 : le maire y est nommé par le préfet (par le gouvernement
lui-même dans les grandes villes) et les conseillers municipaux sont choisis
sur une liste soumise par le nouveau maire ; elle réclame pour finir le retour
du suffrage universel lequel « faisait aussi bien, sinon mieux »…
Les activités de la Résistance dans la région de Chabris ont provoqué
une procédure instruite contre X, inculpé de propagande communiste ; l’enquête
effectuée par un inspecteur de la police de sûreté en vertu de la
commission rogatoire délivrée le 22 juillet 1943 par un juge d’instruction
au tribunal de Châteauroux donne lieu le 9 octobre 1943 au rapport suivant,
adressé au commissaire divisionnaire, chef du Service Régional de police
de sûreté :
« Le 9 juillet 1943, le gendarme X. de la brigade de Chabris a découvert
10 tracts communistes dans les rues de Chabris. Ceux-ci se composent de : 1 exemplaire
de “La Terre du Loir-et-Cher” de mai 1943, 3 exemplaires de “La Terre” de mai 1943,
2 exemplaires de l’”Humanité” 1ère quinzaine de mai 1943, 2 exemplaires
de “Le Patriote” de mai 1943 et 2 exemplaires de “La Vie Ouvrière” de mai 1943.
Tous ces tracts sont signés “L’Organe Central du Parti Communiste Français”
et de “L’Organe Paysan Régional du Parti Communiste”.
Le 14 juillet suivant des gendarmes de la brigade de Chabris découvraient des
tracts collés sur les murs de la commune de Chabris. Ils étaient intitulés
“Aux Armes Citoyens - 14 juillet 1943” et signés “Le Comité Départemental
du Front National de la France Combattante”.
L’enquête effectuée par la brigade de gendarmerie n’a donné aucun
résultat.
Au cours de l’enquête à laquelle j’ai procédé, je n’ai pu recueillir
aucun indice ou renseignement susceptible d’orienter mes recherches. » (Collection
A.N.A.C.R. Indre).
EST-IL VRAI ?
Est-il vrai qu’une perquisition minutieuse et une enquête approfondie aurait
réservé de grosses surprises dans l’affaire concernant l’ex-conseiller
municipal B.. Des témoins ayant rapporté pour ce dernier de Châteauroux
différents colis de savon et de sucre dans la voiture de Mr V. H... ont-ils
été entendus ? si non, pourquoi ?
Les capotes militaires teintes et transformées en vêtements civils ont-elles
été rapportées à la gendarmerie ?
Est-il vrai que Madame B. elle-même ait fait de nombreux voyages à Châteauroux
?
Que rapportait-elle dans sa voiture ? Est il vrai que le maréchal des logis
B. ait regretté la démobilisation de sa classe, préférant rester
à la caserne, sachant que les travaux et rapports de sa ferme n’en souffraient
pas. Poussait-il le patriotisme à l’extrême ou alors dans quel but préferait-il
rester mobilisé ?
Est-il vrai que l’ex-conseiller municipal B. désigné par la mairie pour
distribuer les pneus de vélo ait favorisé toute sa famille avant d’en attribuer
à ceux dont la bicyclette est le principal outil ?
Est-il vrai que la Légion cherche à étouffer l’affaire et ne se trouvera-t-il
pas quelques légionnaires honnêtes pour se refuser à une telle machination
?
Est-il vrai qu’un autre conseiller municipal soit impliqué dans une affaire
de moeurs et que là aussi on cherche à le disculper ?
Ce qui est vrai, c’est qu’après avoir recherché dans la soi-disant élite
chabriotte avec beaucoup de difficultés, l’équipe composant le conseil
municipal, il est bien regrettable pour l’instigateur de la liste de ces hautes personnalités
que de tels scandales se découvrent. Le suffrage universel faisait au moins
aussi bien, sinon mieux.
A quand son retour ?