1944




32 - Notre Région. Organe des Jeunesses Communistes de la Région Indre-Creuse. N° 2. Janvier 1944, quatre pages sur deux colonnes, dactyl. et ronéo. (Coll. part.)
Cette publication d’origine communiste pour les départements de l’Indre et de la Creuse donne ici des informations concernant essentiellement la Creuse ; elle est composée de deux feuilles séparées, dactylographiées et ronéotypées recto et verso. Fabriquée dans la Creuse, elle était ensuite diffusée jusque dans l'Indre par des militants de la Résistance creusoise, tel Gilbert Coulon.
Le principal article de la première page, intitulé avec ironie « Les terroristes » (ainsi étaient dénommés les résistants par les autorités de Vichy et les Allemands…), porte sur la « Légion Géorgienne », arrivée à Guéret en décembre 1943 et qui a « pris contact en défilant et chantant dans les rues » : il s’agit d’une des unités composées par les Allemands (Ostbataillonen : Bataillons de l’Est) avec des volontaires ou des prisonniers libérés des camps, russes, géorgiens, tatars, arméniens, azerbaïdjanais, mal encadrés et mal équipés, au loyalisme douteux à l’égard des Allemands, qui les chargent de ce fait dans le sud-ouest des opérations de répression, menées souvent avec sauvagerie. Un second article annonce la formation d’un comité départemental des Forces Unies de la Jeunesse Patriotique, organisation liée au Front National, lequel a été créé en zone nord en 1941 avec pour intention de réaliser une large union entre Français prêts à lutter contre les occupants et dirigé essentiellement par des communistes ; l’auteur ne doute pas « que nos camarades berrichons soient en reste de nos camarades creusois » bien qu’il y ait « un gros travail à faire dans l’Indre ». Notre Région propose aussi un appel aux « Jeunes Paysans », à l’égard desquels Vichy n’a pas tenu ses promesses et que le S.T.O. s’apprête à frapper ; ils sont invités, pour ceux qui ne l’auraient encore fait, à rejoindre les rangs des jeunes communistes ou Francs-Tireurs. De même, un appel est lancé aux « Etudiants, Etudiantes », les invitant à constituer des Comités d’Étudiants et à adhérer aux F.U.J.P. ou aux Jeunesses Communistes : en effet, « on cherche à vous inculquer, à vous bourrer le crâne de doctrines nazies, de fausses idéologies socialistes (…). C’est le règne de l’obscurantisme teuton avec le sinistre “Abel Connard”. Les privilèges sont rétablis et les écoles libres jouissent d’un régime spécial (…). Etudiants, Etudiantes, réclamez une meilleure nourriture, tel au Lycée de Jeunes Filles de Guéret, où les rutabagas et les topinambours sont particulièrement à l’honneur ». Un article (« Pourquoi le sabotage ? ») justifie celui-ci et en énumère quelques actes ; enfin sont rapportées diverses actions de résistance locale, en particulier la grève de Lavaveix (4 décembre 1943). Notre Région se termine par un appel au lecteur : « Jeune ! diffuse ton journal. Ne le détruis pas : Fais le lire à tes camarades sympathisants ».

NOTRE REGION

Organe des Jeunesses Communistes de la région Indre-Creuse. N°2 Janvier 1944

LES TERRORISTES.


Après les bandits de la L.V.F., voici que Guéret et toute la région est infectée par les canailles appointées de la trop rameuse “légion géorgienne”.
Les échos de leurs méfaits en Dordogne étaient parvenus jusqu’à nous : assassinats, vols, pillages, tout leur était permis.
La population périgourdine eut tôt fait de s’unir pour protester et faire chasser de chez eux ces crapules en uniformes, et c’est vous, Creusois qui recevrez ces criminels sans doute imposés par Vichy ?
Non et non. Jamais nous n’avions subi pareil affront.
Et comme pour illustrer leur terrible réputation, aussitôt arrivés ils se mettent à commettre méfaits sur méfaits ; vols, pillages, viols, toute la région de Guéret à la Souterraine en passant par Grand-Bourg est mise en coupe réglée.
Dès la nuit venue les habitants sont obligés de se barricader chez eux ; plus une femme n’ose sortir la nuit.
A Pradet, commune de Fleurat (Creuse) ils rassemblent les hommes dans un champ et se livrent à un pillage systématique : montres, bijoux, porte-monnaie, argent sont raflés en un clin d’oeil, puis s’emparant des repas tout préparés ils se mettent à table et s’enivrent à l’orgie.
A Guéret, plusieurs cas de viols nous sont signalés. Circulant à bicyclette, un jeune homme est arrêté et maltraité. Résistant de son mieux, à bout de forces, il est conduit à la Feldgendarmerie. Après vérification d’identité, il est remis en liberté, mais délesté de son vélo.
Un peu plus loin, c’est une épicerie complètement mise à sac devant les propriétaires affolés.
Après tout cela, que l’on vienne nous dire : “traquez les gars du maquis, ce sont des terroristes”.
Mais les voici les terroristes, les vrais, ceux que Vichy et consort reconnaissent officiellement. Ce sont eux qui terrorisent nos campagnes laborieuses, nos femmes et nos enfants. Jamais nos valeureux Francs-Tireurs et Partisans ne semèrent la panique, bien au contraire, nous savons que s’ils purent se grouper, vivre et se défendre, c’est grâce au ravitaillement de nos braves paysans, des ouvriers qui prennent sur leur maigre salaire pour subvenir aux besoins financiers de ces soldats sans uniforme.
Partout organisons des pétitions que nous enverrons au maire, au commissariat, à la Préfecture, à Vichy, à la Kommandatur ; tous d’un même cœur faisons ce qu’ont fait déjà avant nous nos camarades de la Dordogne.
Chassons par tous les moyens les boches et leurs pillards.


SARDENT… !!!
nous ne l’oublierons...
... jamais.

F.U.J.P.


Nous apprenons la constitution d’un comité départemental F.U.J.P. pour la Creuse.
Nous ne pouvons qu’applaudir à une telle initiative.
Nos J. C. y sont immédiatement représentés et soyons en sûrs, ils seront les plus ardents artisans du prompt élargissement de ce Comité.
Déjà, des comités locaux ont rejoint le Comité départemental ; mais partout il faut en créer, en organiser de nouveaux. Les J.C. doivent s’en faire une tâche d’honneur.
Dans l’Indre, il y a un gros travail à faire. Nous ne doutons pas que nos camarades berrichons soient en reste de nos camarades creusois.
Tous au travail, nous avons beaucoup à faire.

REMERCIEMENTS


A l’occasion d’un mariage, une quête fut faite au profit des patriotes.
La somme de 860 francs fut ainsi collectée.
Nous remercions vivement les généreux donateurs.
Signalons en passant l’attitude de certains J.C. présents qui ne déboursèrent pas un liard. Ils auraient certainement pu faire un geste, si minime soit-il, leur attitude fut sévèrement jugée par les personnes présentes.

JEUNES PAYSANS


Le gouvernement pourri qui s’est emparé du pouvoir, vous a, à vous comme à d’autres, promis monts et merveilles. Qu’avez-vous eu en réalité ? de belles paroles ; et puis il faut le reconnaitre, pas mal de déboires, et si notre situation est un peu privilégiée, par rapport à celle de vos camarades des villes (meilleur ravitaillement, plus petite proportion d’appel au S.T.O.), elle est loin de réaliser le maigre idéal que chacun porte en vous.
Qu’avez-vous eu encore : des syndics pour la plupart collaborateurs notoires en qui vous n’avez aucune confiance, et qui au plus se chargent d’être les intermédiaires du marché noir. Ces valets de Vichy se soucient bien peu de vous, jeunes, qui pourtant n’aspirez qu’à la vie, la vraie vie.
Que veut un jeune paysan ?
Il veut bien travailler, sachant mieux que quiconque que rien ne vient sans peine. Mais il veut que son travail soit récompensé dans la même proportion que son camarade de la ville.
Il veut, le soir venu, trouver un foyer et se reposer en famille, débarrassé des soucis de la journée. Il veut le dimanche pouvoir se distraire dans un cinéma, un bal, il veut avoir à sa disposition un stade et un terrain de jeu. Il veut, pour sortir le dimanche, des pneus pour son vélo. Il veut pouvoir faire du camping et fréquenter les auberges de la jeunesse. Il veut comme tout le monde avoir droit à un minimum de 15 jours de congés payés. Il veut un logement confortable et non comme c’est le cas de bien des ouvriers agricoles, une mauvais paillasse, dans la pièce servant de débarras, ouverte à tous les vents. Il veut les vêtements de travail qui sont introuvables. Il veut obtenir sa participation à la corporation paysanne où il doit avoir son mot à dire.
Est-ce trop demandé ? Non ! toute personne sensée reconnaît le bien fondé de ces quelques revendications. Mais s’il sait aussi que seul un gouvernement libre, choisi par le peuple lui-même et s’appuyant sur lui peut satisfaire à ses justes ambitions. Dès à présent, il peut et il doit s’unir et lutter pour obtenir un minimum de ses revendications. Il doit lutter pour obtenir des engrais, des bons matières, pour renouveler son matériel qui est dans un état lamentable, réclamer la réunion des assemblées générales, y faire adopter les plus pressantes revendications et poursuivre la lutte jusqu’à complète satisfaction. Il doit lutter contre les réquisitions qui affament le pays pour nourrir les boches et prolonger d’autant la guerre, qui sont aussi la source même du marché noir en obligeant les paysans à vendre au dessus de la taxe pour se rattraper du taux trop faible de celle-ci, contre les déportations et éviter tout nouveau départ vers les usines, tombeaux d’outre-Rhin.
Les boches s’apprêtent à de nouveaux appels. Déjà certains de la classe 43 ont été appelés, mais aucun ne se sont présenté, car chacun comprend que ces récents appels ne sont pas motivés par de nouveaux besoins de main d’oeuvre (ils sont déjà des milliers qui meurent de faim et qui sont sans travail) mais constituent un pas de plus vers la déportation afin d’éviter l’intervention des jeunes Français au moment de la libération qui ne saurait tarder.
Il se pourrait très bien, il est même probable que tous ces jeunes, alors internés dans des camps, seraient massacrés afin que l’Allemagne vaincue ait devant elle une France aussi exsangue et incapable d’avoir son mot à dire. Nous savons la part active que prennent nos jeunes paysans dans la lutte contre l’envahisseur, et la peine prise chaque jour dans la tâche de ravitaillement et d’aide aux réfractaires.
Partout les jeunes paysans Marchois Berrichons sont à l’avant et se dépensent sans compter.
Mais toi jeune qui encore n’a pas pris place dans nos rangs, mais qui aspire à une vie meilleure, rejoins nos valeureux camarades, jeunes communistes ou Francs-Tireurs, armée française libre.

CEUX QUI FONT DU BON TRAVAIL.


Aux mines de Lavaveix (Creuse), centre ouvrier, des jeunes prennent l’initiative le 4 décembre 43 de déclencher une grève à l’occasion de la fête des mineurs. Ils réussissent pleinement ; la grève est complète -Lavaveix - À Courbarioux plus de 80 % de chômeurs. Ne s’arrêtant pas là, ces jeunes continuent la lutte dans l’action syndicale, l’aide aux réfractaires.
A St-Priest-la-Feuille (Creuse), on apprend qu’un certain GRELAUD, directeur de la cantine scolaire, fait verser la somme de 300 F aux parents d’élèves qui, n’étant pas producteurs, ne peuvent fournir un contingent de 50 kg de pommes de terre. Donc, ce directeur pratique le marché noir puisque le kg revient à 6 francs. Aussitôt une campagne est menée contre ce valet de Vichy et de par cette action, deux membres du conseil d’administration qui en avaient assez de cet état de choses donnent leur démission et laissent toute la responsabilité à ce mercantis.
Là encore, un pas de plus en avant est gagné dans la lutte contre les affameurs amis de
Pétain-Laval.

EXCLUSIONS


Nous avons été appelé à prononcer l’exclusion des J.C. matricules : 512 et 594 pour lâcheté et refus d’accomplir leur devoir.


Nous remercions vivement les jeunes de la C3 qui nous [ont fait] parvenir la somme de 50 francs pour “Notre Région”.


POURQUOI LE SABOTAGE ?

Tout Français de la Résistance est un soldat dans le grand combat qui se livre contre l’hitlérisme.
La Forteresse Européenne est un mythe puisqu’elle est minée dans chaque pays occupé.
Quand va s’ouvrir le second front le colosse nazi ne pourra assurer ses arrières.
Sur le sol de la patrie, les détachements de Francs-Tireurs et toutes les forces résistantes harcèlent sans cesse les troupes ennemies en d’obscurs combats.
Chaque jour pointant, ils portent des coups terribles à l’ennemi par le sabotage systématique de ses arrières. Le Reich pille nos campagnes pour qu’Outre-Rhin les affres de la famine ne s’allient pas au défaitisme grandissant. Mais il ne peut acheminer, avec sécurité ses convois de vivres, de matériel.
En Creuse, c’est à Forgevieille, un train de pinard qui saute au plus grand bien de la population ; à La Souterraine un déraillement de wagons comprenant une dizaine de boches, munitions, liqueurs et confitures dont profitèrent les habitants de la ville. C’est dans l’Indre, plusieurs convois de matériel roulant aux 3/4 anéantis, dans la Haute Vienne, à St-Sulpice-Laurière, 7 ou 8 locomotives qui sautent sur la voie de garage.
Ces convois roulant vers l’Allemagne, ces machines, ces grues, ces presses à fourrage, ces stocks de paille brûlés et anéantis, sont là de petites victoires qui sont autant de coups qui diminuent la puissance de l’ennemi.
Plus de matériel roulant pour acheminer les troupes lors du second front aux lieux de chocs.
Comment les ravitailler, les renforcer ? Quel moral pour le soldat allemand qui sera alors coupé de sa grande Germanie, de son Grand Reich utopique.
Nos valeureux soldats sans uniforme pourront alors fièrement recueillir le fruit de leur ingrate tâche sans éclat qu’ils poursuivent à l’heure actuelle.
Vous qui assistez à tous ces petits combats de guérillas, d’usure, aidez par tous les moyens nos soldats de la résistance et vous aurez vous aussi bien mérité de la patrie.

Un jeune Creusois.

ÉTUDIANTS ! ÉTUDIANTES !


Vous, plus que tous autres êtes touchés par le régime actuel. Vous qui devez être les éducateurs de demain on cherche à vous inculquer, à vous bourrer le crâne de doctrines nazies, de fausses idéologies socialistes. La littérature actuelle est passée au crible, beaucoup de nos grands écrivains ne vous sont plus permis ou si peu que l’idée générale de l’homme en est complètement disparue.
C’est le règne de l’obscurantisme teuton avec le sinistre “Abel Connard”.
Les privilèges sont rétablis et les écoles libres jouissent d’un régime spécial.
C’est l’époque où nos écoles sont requises pour loger les soldats Feldegrauds (sic), vils policiers de Pétain-Laval.
C’est encore le temps où nos instituteurs sont réduits à mener une vie plus misérable qu’un manoeuvre avec une paye dérisoire.
C’est enfin l’époque où l’on entend le triste slogan :”qu’en sachant moins l’on apprend à valoir plus”.
Mais face aux agenouillés de Vichy, tout un peuple relève la tête, toute une nation digne de ses aïeux de [89 ?], lutte et souffre, sûre de la victoire. Et parmi cette élite, les étudiants, les intellectuels au-dessus de toute idéologie politique ou confessionnelle sont en bon nombre.
Mais vous aussi étudiants de l’Indre-Creuse, vous devez vous unir et travailler pour la libération de la France.
Constituez partout des comités d’étudiants pour la défense de vos intérêts.
Jeune étudiant, libre penseur, catholique, adhère aux Forces Unies de la Jeunesse Patriotique (F.U.J.P.)
Jeune étudiant qui a déjà apprécié et jugé notre politique d’union et d’action, adhère aux Jeunesses Communistes dans la promotion "Danielle CASANOVA" qui fut une ardente militante de la Fédération des Étudiants Communistes de France.
Autour de toi existe déjà ces organisations mais pour les trouver, travaille d’abord, rassemble avec toi des camarades, et alors tu seras heureux de pouvoir prendre contact avec d’autres jeunes dévoués comme toi à la bonne cause.
Étudiants, Étudiantes, réclamez une meilleure nourriture, tel au lycée de Jeunes Filles de Guéret, où les rutabagas et les topinambours sont particulièrement à l’honneur.

INFORMATIONS REGIONALES


GUERET : des “légions géorgiennes” sont arrivées le 2 décembre 43. Elles ont pris contact en défilant et chantant dans les rues.
LA SOUTERRAINE : dans la nuit du 13 au 19 décembre, sabotage de voie au Cres, plus de 100 mètres de rail arrachés, près de 5 heures de retard aux trains.
AUBUSSON : les boches cernent la ville et effectuent une rafle monstre. 200 arrestations dont 1 ancien sénateur qui est blessé, 3 morts dont une femme sont à déplorer.

TABLEAU D’HONNEUR


Les J.C. matricules : 515 - 522 - 450 - 453 - 454 - 455 & 456, se sont distingués dans des actions de récupération.

SOUSCRIPTIONS


Nous vous disions dans le précédent numéro de “Notre Région” que nous publierions ici les matricules des meilleurs collecteurs.
En général le résultat individuel est insignifiant presque tous nos J.C. s’étant bornés à une seule liste ou même aucune.
Ceci est inconcevable au moment ou nous en avons tant besoin.
Cependant quelques responsables de sections ont fait un effort méritoire.
Ce sont d’abord le responsable de la section F, puis les sections B et A.
A part cela, aucun autre n’y a apporté toute l’attention que cela réclamait.


JEUNE !
diffuse ton journal
ne le détruit pas.

Fais le lire à tes camarades sympathisants.