1943

23 - Un exemple de contre-propagande : Combat, Janvier-Février 1943, 3 pages , dactyl. et ronéo. (M 2746)
« Une vingtaine de ces tracts ont été ramassés par des Gardiens de la Paix au cours de leur ronde de nuit, et les recherches effectuées immédiatement en vue de découvrir le ou les auteurs de ces distributions sont demeurées infructueuses. Aucun individu susceptible de s’être livré à cette diffusion n’a été rencontré en ville et les environs » ; ils « ont été glissés sous les portes de différents magasins des principales artères du centre de Loches, dans le courant de la nuit du 2 au 3 mars », écrit le 3 mars 1943 le commissaire de police de la circonscription de Loches (administrativement rattachée à Châteauroux) au préfet de l’Indre, au directeur des Renseignements Généraux à Vichy et au commissaire divisionnaire, chef du service régional des Renseignements Généraux à Limoges.
Cette « publication » n’apparaît nullement être une édition régionale du journal de la Résistance Combat, comme il en a existé à partir de 1943, mais bien plutôt comme une contrefaçon locale de celle-ci. En effet, sa tonalité est très anti-anglo-saxonne. Certes, si le bilan présenté de l’année 1942 peut sembler très lucide, la supériorité des Alliés n'apparaît que comme une éventualité… dans la mesure où leur renforcement matériel n’est qu’une annonce et que celui des forces de l’Axe est inconnu.
Le compte rendu de la Charte de l’Atlantique (août 1941), dont « la grande innovation en matière de reconstruction européenne » serait « la création d’un État corse qui comprendra en plus de cette dernière, la Sardaigne, la Sicile, et l’Italie du Sud » et dont la souveraineté « a été offerte à un Prince Royal anglais » (la France recevant en contrepartie « les territoires du désert lybien cédés à l’Italie en 1931 »), est d’une totale fantaisie. La suite est de la même encre…
La perspective d’une France démembrée au profit de l’Angleterre (notons que l’auteur connaît la tradition politique anglaise de contrôler ou de neutraliser sur le continent les territoires correspondant à la Belgique) en échange des îles anglo-normandes (!), de son Empire démantelé en Afrique au profit des Anglais et des Américains (en échange de vastes régions aux hypothétiques richesses peuplées de onze cents habitants …), de la présence de l’armée russe sur les frontières de la France (en Italie du Nord…) ne pouvait agréer aux Résistants qui se battaient précisément pour éviter cela… ; de même, la perspective pour les petits paysans « égoïstes » d’être dépossédés de leurs terres, réduits à la condition de journaliers et rassemblés dans de grands ensembles, ne pouvait évidemment pas les réjouir, de même que la disparition des « boutiquiers parasites » au profit de coopératives commerciales ne pouvait complaire aux petits commerçants ! L’auteur de cette publication veut ainsi montrer avec une féroce ironie ce que serait selon lui la France après sa libération si les Alliés gagnaient la guerre (en 1944 prévoit à juste titre mais sans doute très involontairement le rédacteur…), afin de discréditer les mouvements de Résistance qui combattent pour la victoire alliée, en particulier le mouvement « Combat » auquel le titre de cette brochure se réfère, voulant même apparaître comme une publication de pénurie avec l’« Avis » placé en première page… Il s’agit donc très probablement d’une assez habile publication de propagande issue d’une officine vichyste ou collaborationniste.

“COMBAT” Janvier - Février 1943

AVIS - La pénurie de papier et les difficultés d’impression rendent notre action difficile. Chaque destinataire de ce bulletin doit le diffuser par tous les moyens.

BILAN 1942 - Si l’année écoulée a été pour les armées alliées une année mauvaise, elle n’en marque pas moins la fin d’une série de revers qui ont eu leur origine au lendemain de la défaite française. Leur apogée a été marquée par la perte de nos possessions du Pacifique, par le repli de nos troupes jusqu’aux faubourgs d’Alexandrie et par l’arrivée des troupes de l’Axe aux abords du Caucase. Mais le redressement a commencé. L’occupation des possessions françaises d’Afrique, la retraite de Rommel, la prise de Tripoli, l’impuissance japonaise et enfin les offensives russes maquent le point de départ de notre redressement.
Voici les déclarations faites à la Chambre des Communes, par le Ministre de la Production : “Pour la première fois nous pouvons être optimistes. Cela ne veut pas dire que la guerre sera finie demain. Non ! Elle sera longue et dure mais déjà l’ennemi semble marquer de la lassitude. L’essentiel pour nous est que la Russie puisse tenir jusqu’au début de l’hiver prochain, car nous serons alors à même de lui apporter une aide vraiment efficace. Celle-ci est subordonnée à la production du tonnage. Nous avons connu des mois sinistres. Mais, dans ce domaine aussi, les perspectives sont meilleures. Dès juillet prochain nous serons en état de faire face aux pertes subies et même de remonter le courant. Il faut calmer les impatiences, car nous avons plusieurs fronts à alimenter et lorsqu’on parle d’en ouvrir un sur le continent, cela signifie des milliers de tanks et des milliers d’avions.
Si le danger réside dans l’arme sous-marine, nous ne devons pas oublier que les flottes de surface allemande et italienne qui se sont toujours dérobées sont très puissantes. Ignorant dans quelles mesures elles se sont renforcées, cela nous oblige à être circonspects, car le jeu de l’ennemi en matière navale, semble être d’attendre l’effritement et la dispersion de nos forces pour porter ses coups. Mais là aussi nous veillons. Dès 1944 les vaisseaux de ligne perdus au cours de 1942 seront remplacés. Notre flotte alors sera à nouveau très puissante, et pourra faire face à toutes éventualités".

LA CHARTE DE L’ATLANTIQUE. - L’élaboration de la Charte de l’Atlantique au cours de la rencontre Roosevelt-Churchill, n’a eu d’autre but que l’étude des moyens pour mener la guerre jusqu’à notre victoire finale, et surtout jeter les bases de l’ordre futur.
La grande innovation en matière de reconstruction européenne, est certainement la création d’un État corse qui comprendra en plus de cette dernière, la Sardaigne, la Sicile, et l’Italie du Sud. En raison de la situation de ces divers territoires, le nouvel état sera appelé à jouer un rôle stratégique important en Méditerranée. La Souveraineté en a été offerte à un Prince Royal anglais. En contrepartie de la perte de la Corse, la France recevra les territoires du désert lybien cédés à l’Italie en 1931.

LA POLICE DU CONTINENT. - Un des graves problèmes est le maintien de l’ordre en Europe après la guerre. La Charte de l’Atlantique prévoit un réseau d’occupation qui sera établi sur toute l’Europe Centrale et confié aux troupes soviétiques. Cette occupation s’étendra à l’Allemagne, à l’Autriche, la Hongrie, la Roumanie, la Yougoslavie, les Pays-Bas et l’Italie du Nord ; elle est prévue pour une durée de 15 années, mais en aucun cas les effectifs d’occupation ne devront excéder deux millions d’hommes. En contrepartie de cette occupation, l’Angleterre qui veut être à même de pouvoir intervenir sur le continent, s’est réservée une puissante tête de pont qui comprend un rectangle ayant pour base Calais en France et Ostende en Belgique et englobe les départements français du Nord à l’intérieur d’un dispositif qui sera puissamment fortifié. Complément à l’État méditerranéen, cette tête de pont permettra à l’Angleterre de peser sur des décisions continentales. La sécurité française se trouvera ainsi assurée.

AVANTAGES À LA FRANCE. - L’Angleterre à la demande du Général de Gaulle accorde le retour à la France des Iles Normandes de Guernesey et de Jersey. La convention signée récemment à Londres porte que les français des deux départements du Nord, ou de la Corse qui désireraient conserver leur nationalité française obtiendront des avantages dans une de ces deux îles que les nationaux britanniques ne regagneront pas.

LA GRANDE AFRIQUE. - Le résultat de la Charte de l’Atlantique est celui obtenu pour la mise en valeur tripartite du continent africain. Des négociations menées récemment ont permis au Général de Gaulle en contre-partie de l’Afrique Occidentale et de Madagascar d’obtenir l’immense territoire qui au sud de la Lybie va joindre le Tchad ; deux fois grande comme la France, cette vaste région peuplée de onze cents habitants possède un sous-sol qui, comme le Sahara, est vraisemblablement très riche. La faible densité de sa population permettra à de nombreux colons de s’y établir.

LE TRANSAHARIEN. - Les négociateurs français ont obtenu l’aide financière américaine pour la construction du chemin de fer Méditerranée-Niger. Le terminus méridional reste Tombouctou qui, devenant possession américaine, intéresse ainsi directement l’Amérique à la rapide réalisation de l’entreprise. Les deux villes terminus, Oran et Casablanca, auront un statut international au même titre que Tanger.
Si on mesure les résultats obtenus par ce réseau de pourparlers diplomatiques, on constate que la France reste une grande puissance, la cinquième sur le plan mondial. Nous savons certes que Hitler aurait promis à Laval…… le retour !…… du continent africain à la France à qui il reconnaît des qualités colonisatrices que l’Allemagne n’a pas, mais reste à savoir si cette convention n’eut pas été un marché de dupes, et dans le doute disons avec le vieux proverbe de chez nous : “Un tien vaut mieux que deux tu l’auras”.

LA PEUR DU COMMUNISME. - Certaines propagandes agitent le communisme comme un épouvantail. Or, s’il présente des tares graves, il n’en est pas moins constructeur. Si nous prenons par exemple la politique agricole de l’U.R.S.S. nous ne pouvons que préconiser des méthodes ayant donné des résultats tangibles et leur application à la France, pays agricole par excellence, serait éminemment profitable.
L’expropriation des terres et leur exploitation au profit de l’État éliminerait cette poussière de petits propriétaires et de petits paysans qui morcellent notre sol.
Rassemblés en immense exploitation régionale sous la haute direction d’un maître de production, on verrait leur rendement décupler. Quant aux propriétaires et paysans expropriés, ils seraient attachés à l’exploitation régionale au titre de journalier. Cette politique permettrait d’envisager l’amélioration réelle de l’habitat rural, en créant de grandes cités où nos familles paysannes au lieu d’être éparpillées se trouveraient groupées dans de vastes immeubles en commun.
De plus le système commercial en vigueur en U.R.S.S. offre des avantages qui, appliqués chez nous, seraient profitables à la communauté. La centralisation en grandes coopératives commerciales d’État fera disparaître tous ces commerçants inutiles qui vivent de la surenchère dont ils grèvent les produits et qui en fait aggravent la vie chère.
Français patriote pour ne pas compromettre l’action de la France combattante ne vous livrez à aucun acte inconsidéré. Il importe que l’occupant vous croit docile. En attendant l’heure de la libération qui sonnera en 1944, adhérez aux “Vrais Patriotes” formez des cellules. Notre programme refera une France grande, débarrassée de ces paysans égoïstes par l’étatisation des terres et surtout débarrassée de ces boutiquiers parasites qui en pratiquant le troc de boutique à boutique affament le peuple.


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