1942
14 - « Lettre d’un groupe de gendarmes et d’agents de police patriotes à tous leurs collègues de France et des colonies ». Tract dactylographié et ronéotypé signé « Un groupe de gendarmes et d’agents de police patriotes », juillet 1942, ms. et ronéo. (A. D. Indre, )Lettre d’un groupe de gendarmes et d’agents de police patriotes à tous leurs collègues de France et des colonies
Chers collègues,
La visite à Paris de Heydrith (sic), chef adjoint de la Gestapo, venu
tout exprès de Berlin et la présence permanente à Vichy de personnalités
dirigeantes de la Gestapo, confirment la mainmise des Boches dans les services dont
nous relevons.
La nazification de la police française avec la collaboration et l’aide de la
Camarilla de Vichy suscite dans nos rangs un mécontentement et une indignation
légitimes. Chacun se rend compte que Laval a été imposé par Hitler,
malgré l’hostilité de l’immense majorité des Français, comme
chef du Gouvernement et comme Ministre de l’Intérieur. Ce bien triste “Patron”
est chargé, comme “GAULEITER” d’exécuter toutes les besognes décidées
par son FÜHRER contre les intérêts de la France qui, dans l’esprit
des maîtres de Berlin, doit devenir une colonie du “Grand Reich Allemand”
Déjà des démissions importantes de collègues ulcérés
dans leur coeur de patriotes et de Français se sont produites. C’est d’ailleurs
pour essayer d’endiguer cette vague de démissions que les services de l’Intérieur
ont fait paraître à l’OFFICIEL une note aussi odieuse qu’arbitraire selon
laquelle un cautionnement de 5 à 10 000 F serait exigé pour ce qui
est appelé “Abandon de poste”.
Ainsi dans le corps même de la Gendarmerie et des agents de police, on assiste
à une réprobation patriotique des agissements des Hitlero-Vichyssois, faisant
l’écho à l’indignation et à l’élan de patriotisme dont fait preuve
le peuple français.
Le 1er mai, la fête de Jeanne d’Arc, la venue de la philarmonique de Berlin
notamment, ont donné lieu à d’ardentes et patriotiques manifestations populaires
au cours desquelles des dizaines de milliers de patriotes clamaient fièrement
leur haine sacrée des Boches, de Laval et de son équipe de traîtres
à la solde de l’ennemi.
Nous avons eu le plaisir de constater que beaucoup d’entre nous sont de coeur avec
ces vaillants patriotes qui, bravant les risques, manifestent et expriment publiquement
leur attachement à la liberté et à l’indépendance de la France.
Il faut persévérer dans cette voie qui est la seule que puisse nous dicter
notre conscience de Français et de patriotes.
N’agissons pas contre les patriotes !
Non ! la police française ne doit pas se faire l’instrument odieux et indigne
de la Gestapo contre des patriotes français !
Par ordre de Hitler, l’Intérieur nous ordonne de faire la chasse aux Gaullistes,
aux Communistes, à tous ceux qui luttent contre les Boches. Il nous donne l’ordre
d’arrêter par centaines, par millions des patriotes que l’on livrera ensuite
aux Bourreaux Hitlériens pour être fusillés. Ce fut le cas du Lieutenant
de vaisseau gaulliste, le Comte d’Estiennes d’Orves, des Députés communistes
Gabriel PERI, CATELAS, MICHELS et des milliers d’autres honnêtes Français.
Cette besogne boche nous répugne profondément ; notre conscience se révolte.
Les gendarmes et agents de police français dignes de ce nom ne doivent pas
accepter de jouer le rôle de bourreaux de leur propre Patrie pour le compte
de l’ennemi. Ils doivent refuser de sévir contre les Français pour
la seule raison que ceux-ci sont dignes du passé et de la grandeur de notre
Pays, qu’ils ont foi dans les destinées de la France, qu’ils refusent de courber
l’échine devant l’envahisseur boche.
Aussi avons-nous décidé de ne jamais agir contre les patriotes français.
A chaque fois que nous savons qu’un Français est menacé d’arrestation pour
son action contre les Boches et ceux qui les servent, nous l’avertissons du danger.
Nous le faisons, par divers moyens, conscients de bien servir la Patrie et certains
que la France reconnaîtra au moment de la victoire, ses fils fidèles. De
même nous agissons envers ceux que l’on veut faire passer pour des “bandits
terroristes” alors qu’ils sont des héros, des patriotes qui luttent vaillament
les armes à la main contre l’envahisseur exécré.
Nous appelons tous nos collègues, gendarmes et agents de police, à faire
ce que nous faisons et qui n’est en somme que notre devoir patriotique.
Si l’on met à vos côtés des agents de la Gestapo, élevez autour
d’eux un mur de mépris. Ne leur parlez pas ; faites leur voir par tous les moyens
que vous les haïssez. !
Sabotez leur travail ; faites en sorte qu’ils ne puissent jamais agir contre un Français
! Signalez leurs noms et adresses aux Gaullistes et Communistes que vous connaissez.
!
Que chaque gendarme et agent de police regarde au fond de sa conscience de Français
et de Patriote et qu’il se souvienne que son serment professionnel, il l’a donné
en vue de servir la Nation et non pour devenir le serviteur méprisé d’un
envahisseur sans scrupule, qui pille, humilie et assassine.
Qu’il sache qu’il est comptable devant la Nation de chacun de ses actes et que
chaque coup qu’il porte, que chaque service qu’il commet contre un Français
doit être considéré comme un attentat, contre la Patrie et sera
châtié comme tel.
Donc pas d’excès de zèle, pas de violences et brutalités à l’égard
des patriotes français que seuls les boches, les traîtres et les espions
ont intérêts à pourchasser !
UNE SEULE PENSÉE : LA LIBÉRATION DE LA FRANCE.
“Il fallait avant tout chasser l’étranger du sol français, l’immense
armée des paysans, des artisans, des petites gens le savait, [mot illisible],
le sentait”, rappelait récemment un grand journal français “Le Temps”,
en magnifiant la grande oeuvre patriotique de Jeanne d’Arc.
Chasser l’étranger : les Boches : ne sont-ce pas actuellement encore
les aspirations les plus profondes de tout notre peuple et de nous-même ?
En droit comme en fait, l’action contre les Boches est juste et sacrée.
En droit, parce qu’aucun traité n’a mis fin à la guerre.
En fait, parce que les envahisseurs pillent et assassinent sur notre territoire
au mépris de toutes les conventions internationales et humaines.
Collaborer avec eux, comme le font Laval et sa bande, s’est donc se rendre coupable
d’intelligence avec l’ennemi.
Comment ne serions-nous pas de tout notre coeur de Français avec ceux qui se
refusent de collaborer avec l’ennemi et qui agissent même contre lui ?
Au surplus, la roue de l’histoire tourne et le jour est proche où l’envahisseur
boche sera battu et chassé de notre territoire et où l’humanité sera
débarrassée de la barbarie nazie. Ce jour-là sonnera l’heure de la
délivrance et de la libération de la Patrie maîtresse de ses destinées
et accueillante à tous les Français à l’exception des traîtres,
des lâches, de tous ceux qui consciemment on non se seront faits les serviteurs
de l’étranger et de l’envahisseur boche.
LE CORPS DE GENDARMERIE ET DES AGENTS DE POLICE RESTERA AU SERVICE DE LA FRANCE.
Gendarmes et agents de police écœurés de la gabegie, des passe-droits,
des tractations et des trahisons dont vous êtes témoins oculaires, ne
démissionnez pas ! Restez en place comme à un poste de combat, communiquez
votre flamme patriotique à vos collègues !
Faisons en sorte que le courant de sympathie envers les patriotes se renforce et
se manifeste à chaque occasion ! Montrons par notre attitude que nous savons
où se trouve notre devoir de Français, notre devoir de patriote !
Gendarmes et agents de police : soyons aux côtés des Français patriotes,
que notre coeur batte à l’unisson pour que vive la France libre et indépendante
!
VIVE LA FRANCE
Un groupe de gendarmes et d’agents de police patriotes