1944

34 - « Le Devoir des Français et la préparation de l'insurrection nationale ». Tract dactylographié et ronéotypé signé « Le Comité Départemental de la Libération de l'Indre », deux pages recto et verso, sans date [mai 1944], dactyl. et ronéo. (A. D. Indre, M 2746)
Le 27 mai 1944, le Commissaire de Police de Châteauroux écrit au Préfet de l’Indre pour lui rendre compte
« qu’à la suite d’information qui m’a été fournie, une perquisition a été effectuée ce matin à 6 heures au domicile du nommé Guérin Charles, demeurant 36, route de Paris à Déols. La porte de la maison fut ouverte par la dame Guérin qui déclara que son mari en entendant frapper s’était enfui en passant par des dépendances voisines de la maison. La perquisition permit la découverte sous le lit d’une note dactylographiée intitulée “Note Intérieure aux Responsables de secteurs, sections et cellules”. Cette note est signée “La Région”, elle émane du parti communiste clandestin, elle prévoit le paiement de cotisations et l’envoi de rapports mensuels. Le modèle de ce rapport est indiqué sur une deuxième feuille qui se trouvait pliée avec celles contenant les instructions du parti. On découvrit également 6 tracts ronéotypés, intitulés “le Devoir du Français” et signés “Le Comité Départemental de la libération de l’Indre”. Le nommé Guérin ne s’était jamais signalé par une activité quelconque, mais il était connu de mes services comme militant communiste d’avant guerre. D’après les renseignements qui m’ont été fournis le nommé Guérin aurait distribué des tracts communistes. Il est certain, étant donné les instructions qui ont été trouvées chez lui, que l’on se trouve en présence d’un responsable. Les perquisitions effectuées dans les dépendances, dans un jardin appartenant à l’intéressé ont été infructueuses. Il faut dire que peu de tracts communistes ont été distribués et que les derniers trouvés sur la voie ferrée en paquets avaient été tirés sur des feuilles d’un gros cahier qui avait été déchiré. Une diffusion a été immédiatement effectuée en vue de rechercher le sus-nommé ».
Celui-ci, qui est un ouvrier-serrurier de 35 ans, « s’est enfui sur une bicyclette d’homme de couleur rouge assez usagée, ayant un porte-bagages à l’avant », « vêtu de treillis bleus, coiffé d’un béret basque, sans chaussettes ».
Ce tract est signé par le C.D.L. de l’Indre, lequel a tenu sa première réunion officielle à Châteauroux chez le pharmacien Roger Cazala (Président du Front National) en février 1944 ; le président désigné en fut Robert Monestier, membre de « Libération » puis secrétaire des Mouvements Unis de Résistance. Il donne des consignes pour la préparation de l’insurrection nationale qui doit se produire lors du débarquement imminent des Alliés.
Il est à rapprocher du document « f » de l'Appendice ci-dessous (« Appel au peuple de France »).

LE DEVOIR DES FRANCAIS
ET LA PRÉPARATION DE L’INSURRECTION NATIONALE


Le Général de Gaulle en déclarant que “l’Insurrection Nationale est inséparable de la Libération Nationale” a exprimé le sentiment de tous les Français qui, n’attendant pas uniquement la libération de la Patrie de l’action militaire des Alliés, veulent que cette libération soit, avant tout, l’oeuvre du peuple lui-même.

Mais sans écarter la possibilité d’une insurrection pouvant précéder un débarquement allié, nous devons nous préparer, dans les circonstances actuelles, à l’insurrection nationale coïncidant avec la création du second front à l’Ouest.

Sans nul doute, les forces françaises intérieures auront à remplir des missions de parachutistes décidées avec le commandement des troupes de débarquement, mais en plus de cela, le rôle décisif des F.T.P. et des F.F.I. consistera à encadrer les masses soulevées et à les entraîner au combat.

L’Insurrection Nationale, envisagée comme une tâche décisive dans un avenir proche, exige :

1°- L’intensification de la lutte contre l’ennemi sous toutes ses formes et par tous les moyens (grèves, sabotages, destructions, manifestations, actions armées, etc.).

2°- Le renforcement massif des F.T.P. et de l’ensemble des F.F.I. ainsi que l’intensification de l’action contre le boche, contre les traîtres et contre les troupes de guerre civile de Darmand-Laval-Pétain qui multiplient les actes de brigandage et les assassinats.

3°- L’organisation des réfractaires en Milices Patriotiques armées s’entraînant systématiquement et progressivement au combat.

4°- L’organisation des groupes de combat dans les usines et en vue de les entraîner, de les agguerrir pour en faire des cadres militaires, des milices patriotiques ouvrières dans les usines.

5°- Le développement d’une propagande systématique tendant à démoraliser les troupes ennemies, en tenant compte de la présence dans l’armée allemande des Tchèques, Croates, Polonais et autres éléments allogènes, perméables à la propagande antifasciste et susceptibles de hâter le processus de décomposition des troupes d’invasion avec ce que cela suppose de possibilités pour l’armement des patriotes.

Dans chaque localité, l’ensemble des patriotes doit être placé sous la conduite d’un seul Comité local de la France Combattante. Les masses mobilisées et encadrées par les groupes de F.T.P. et autres formations des forces françaises intérieures devront avoir pour préoccupations :

1°- De donner l’assaut aux dépôts d’armes de l’ennemi.

2°- D’occuper les bâtiments publics, Préfecture, Mairies, centraux téléphoniques, télégraphiques, électriques, postes de radio, gares, garages etc.

3°- De paralyser les moyens de transports de l’ennemi (chemins de fer, routes, canaux).

4°- D’abattre ou faire prisonniers les miliciens de Darnand, de désarmer les gendarmes et policiers qui ne voudront pas combattre aux côtés des patriotes et de distribuer leurs armes à ces derniers.

5°- De destituer les représentants des autorités de Vichy, Préfets, Maires des grandes villes, de les faire prisonniers et de les remplacer par des délégations de patriotes.

6°- De délivrer les patriotes emprisonnés ou internés et d’organiser militairement aussitôt ceux qui sont en état de combattre.

Une telle action de masse se produisant sur l’ensemble du territoire français en même temps que le débarquement allié qui obligerait les Allemands à envoyer leurs troupes sur les côtes, permettra aux patriotes de porter des coups très sensibles à l’occupant, de libérer des régions entières qui pourront servir de bases de rassemblement pour les forces de libération et de bases d’attaques semblables à celles dont dispose TITO en Yougoslavie.

Mais l’insurrection une fois déclenchée, doit être poussée jusqu’au bout.

Il ne faut pas croire que l’insurrection nationale, une fois déclenchée peut s’arrêter au gré des événements.

Croire par exemple, que l’insurrection nationale,
coïncidant avec le débarquement allié pourrait être arrêtée au cas où les troupes alliées seraient obligées de piétiner plus ou moins longtemps dans leurs têtes de pont, ce serait commettre la pire des fautes, ce serait “découvrir” les patriotes, les livrer à la répression des nazis et des bandits de Darnand et ce serait en même temps, diminuer le rôle de la résistance française en faisant un simple appendice des troupes alliées alors que le peuple français doit être le principal artisan de sa libération, et jouer un rôle plus important dans la stratégie alliée.

Il ne faut pas perdre de vue que l’insurrection est une guerre et que celui qui n’abat pas est abattu, ce qui signifie que lorsqu’une insurrection est déclenchée, il faut la poursuivre jusqu’au bout, jusqu’à la victoire, jusqu’à la libération complète du territoire.

Le Comité départemental de la Libération

“DE L’INDRE”